Hommage à Jyoti Basu (« who’s that man ? »…)

Jyoti Basu est décédé le 17 janvier 2010 dans un hôpital de Calcutta, à l’âge de 95 ans…
«  Who’s that man ? « 

S’il y a une chance que vous acceptiez d’imaginer que Calcutta  – aujourd’hui appelée Kolkata – est autre chose qu’un amas de bidonvilles, sillonné d’âmes charitables, que cette capitale culturelle a donné à l’Inde son premier Prix Nobel de littérature (Rabindranath Tagore … en 1913), que cette ville-port a été la capitale de l’Empire des Indes et que dès le début du vingtième siècle, l’heure était déjà à certaines formes de mondialisation, alors vous serez peut-être curieux de découvrir qui était Mr Jyoti Basu.

Né à Calcutta en 1914 d’une famille bourgeoise de médecins, Joyti Basu fait ses études au Lycée catholique St Xavier, le lycée des Jésuites. Il part à Londres étudier le droit et y découvre le marxisme. Etudiant activiste anti-colonial, il revient à Calcutta en 1940. Il renonce à la carrière d’avocat et s’engage à temps plein dans les syndicats de chemins de fer. Après l’indépendance en 1947, il fut arrêté et incarcéré à plusieurs reprises pour ses activités d’opposant politique. Communiste tendance internationaliste, il soutient… Pékin dans la guerre sino-indienne en 1962.
Mais là se situe une étape très importante par rapport à beaucoup de ses contemporains initiés au marxisme via un séjour d’études en Occident : il refuse de suivre la tendance maoïste et oriente son parti vers l’approche parlementaire. Il se présente donc logiquement aux élections générales du Bengale Occidental (West-Bengal) dont il devient le Chief-Minister en 1977.

Jyoti Basu prête serment, en février 1969, au Parlement régional
et prend,en 1977, ses fonctions de Premier Ministre Communiste de l’Etat du Bengale occidental.

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Avec Indira Ghandi en 1984 :

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Avec Nelson Mandela

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Accueillant Yasser Arafat dans le grand stade de Calcutta :

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En 1997, 3 ans avant la fin de l’exercice du pouvoir:

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De 1977 à l’an 2000, pendant 24 ans, Joyti Basu dirigea un véritable pays de 80 millions d’habitants avec  des résultats certes insuffisants, mais nullement déshonorants : un taux d’alphabétisation de 70 %, dans une population rurale à 72 %, une espérance de vie moyenne de 64 ans, un peu plus élevés que la moyenne de l’Etat indien, alors que le niveau de criminalité est de loin plus faible que dans l’ensemble de l’Union Indienne. L’Etat du Bengale occidental est le seul Etat de l’Union Indienne qui dispose d’une Commission des Droits de l’homme…

Le 7 février 2010, après son décès, des militants manifestent à Kolkata pour protester contre la hausse des prix et contre la politique anti-terroriste, et les manifestants se présentent tous avec la masque du visage de Joyti Basu, décédé moins d’un mois avant :

Party cadres wearing the masks of veteran communist leader Jyoti Basu who died last month, participate in a rally to protest against price hike and political terrorism, in Calcutta, India, Sunday, Feb. 7, 2010. According to a local news agency, Indian Prime Minister Manmohan Singh met chief ministers of states in New Delhi Saturday and said the worst of food inflation is over and the situation will ease soon.

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Le leader actuel qui remplace Joyti Basu, Biman Bose, a fait un discours devant les Chambres de Commerce en présence d’un grand nombre de patrons et chefs d’entreprise et leur a adressé un discours assez éloigné de la lutte des classes  :“ Jyoti Basu told the workers to do their duties and asked the employers to look after the workers in order to promote industrial harmony. He told workers to make just demands and to go on strike if they are not met, but he also asked them to carry out their duties, just as he advised industrial houses to look after the interests of the workers.”

Et comme le précise l’article du « Monde » retraçant la vie de Joyti Basu :  » En fin de mandat, il aura préparé la voie à la grande mutation du communisme bengali, désormais converti à la voie chinoise de l’ouverture au grand capital – y compris multinational –  afin de redynamiser une économie locale décrépite. « Le socialisme à ce stade n’est pas réalisable », a-t-il déclaré, en 2008, afin de justifier le retournement doctrinal.
La recette de jouvence menace aujourd’hui de muter en poison mortel.
Depuis l’aggiornamento, le PCI ne cesse de s’affaiblir dans les urnes bengalies. »

Il fut avoir arpenté les avenues de Calcutta au début des années 1980 pour mesurer l’impact de l’idéologie communiste, à l’époque, dans l’Etat du West-Bengal, les millions de grafittis dans les rues, les manifestations quasi-quotidiennes en tous genres, etc, avec le sentiment que Calcutta était un monde en soi, impénétrable aux cerveaux occidentaux, ne serait-ce que la cohabitation de fêtes religieuses hindoues et musulmanes au cours de la même semaine d’octobre 1983, tandis que le grand journal quotidien (« The Statesman« ) titrait à la une : «  7 000 personnes ont été arrêtées à titre préventif pour éviter les heurts entre hindous et musulmans ».

Avec la disparition de Joyti Basu, c’est toute une histoire qui s’efface, celles de générations qui ont placé leur horizon de vie et de travail dans une idéologie à visée mondiale. Et tandis que le  monde entier voyait Calcutta comme la scène la plus noire de la misère sociale et économique, avec un gouvernement communiste cohabitant quotidiennement avec les « Missionnaires de la Charité » (Mère Teresa, albanaise d’origine…), la nouvelle génération, qui ne s’embarrasse pas de ces idéologies, donne le sentiment que l’Inde devient une grande puissance mondiale – en tous cas émergente.

Dans l’Inde éternelle aussi, le monde change à grande vitesse…

Car si, du temps de la jeunesse de Joyti Basu, il était essentiel de faire des études à Londres,  pour y apprendre la lecture du monde à venir, c’est désormais l’inverse pour la génération d’aujourd’hui : il serait essentiel que quantité d’étudiants occidentaux aillent voir sur place comment on développe une économie réelle avec le micro-crédit, comment une société démocratique fonctionne avec un tiers de l’électorat analphabète et comment on développe des systèmes éducatifs novateurs, comme l' »éducation fonctionnelle », pour des populations  qui n’auront jamais les moyens de payer des scolarités à l’occidentale,etc…

Indian Coffee House, Kolkata par asis k. chatt

Source photo : Indian Coffee House, Kolkata

1 Responses to Hommage à Jyoti Basu (« who’s that man ? »…)

  1. […] PS No 2 : Sur le leader commnuiste du Ouest-Bengal, décédé récemment :  » Hommage à Jyoti Basu «  […]

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