Mai 68 : chacun son couplet …

L’Abrincate était de ceux qui ont eu 18 ans en 1968, et donc de ceux « qui ne réussirent leur bac qu’à la faveur de la complète désorganisation de l’examen » (dixit le Secrétaire Général de la République des Idées). Il tient donc à faire son couplet sur le quarantième anniversaire de Mai 68 et ajouter ainsi au foutoir des commentaires en tous genres d’un anniversaire – dont on se demande bien en quoi « le quarantième » a une quelconque signification.

Peut-être parce que le président Sarkozy dit s’être fait élire sur la «  liquidation de Mai 68  » (ça doit être pour cela que la fête de la Concorde, le soir de son élection, nous a infligé Mireille Mathieu et Enrico Macias…)
Un motif plus sérieux pourrait être qu’il importe, pour la « Génération 68 », de faire un dernier « raout » avant la retraite…

Alors, quelques réflexions :

1 – L’Abrincate a passé son bac au Lycée Le Verrier de St-Lô, chef-lieu du département de la Manche, sous la forme d’une journée de 6 épreuves orales successives, entre 8 heures du matin et 16 heures, avec les résultats affichés à 18 h 30 dans le hall d’entrée du lycée.
Reçu avec mention « Assez Bien », ce qui laisse supposer un succès si le bac avait été convenablement organisé. On se rassure comme on peut.

2 – Dans cette petite ville de province (Avranches), « les évènements » ont pris la forme – selon le souvenir qu’on en garde – de conflits verbaux très durs à l’intérieur du corps professoral, divisé entre les « pour » et les « contre », certains enseignants, non-grévistes, rouges de colère, ne pouvant parfois éviter d' »éclater » en plein milieu d’un cours.
Le directeur du collège eut alors l’intelligence de passer dans les classes pour demander aux élèves de faire les assemblées générales du « Comité Lycéen » en-dehors des heures de cours, mais qu’il était disposé à en entendre les conclusions et les doléances à toutes heures du jour ou de la nuit.

En ville, des manifestations de salariés descendaient la rue principale, la « Rue de la Constitution », en regardant si tous les commerçants avaient bien collé sur les vitrines l’affichette :  » Solidarité avec les grévistes « .

Mais l' »intensité », c’était surtout, la radio et la télévision (cette dernière n’ayant investi les maisons et foyers que depuis moins de 10 ans) qui permettaient, pour la première fois, de suivre en direct, les échauffourées du Quartier Latin, surtout sur les chaînes de radio, et surtout la grande radio privée Europe1, qui était « la radio sympathique-dynamique » de l’époque, où des reporters décrivaient en direct ce qui se passait à Paris. On vivait en temps réel l’évolution des « groupuscules » de la Rue Gay-Lussac à la Rue Soufflot. Le carrefour du Bd St Michel et du Bd St Germain était le lieu du paroxysme frontal entre étudiants et policiers.

Mais quelle « substance historique » retenir des évènements de Mai 68 ?
Un soulèvement de l’inconscient collectif d’une société taraudée par le surgissement de la génération du baby-boom, laquelle qui ne pouvait se projeter dans l’avenir sous la chape de plomb d’un pouvoir encore sur-déterminé par la Deuxième Guerre Mondiale symbolisé par un chef d’Etat d’envergure historique, De Gaulle, tenant le rôle du père.  » Chasser le vieux de l’Elysée » était un slogan récurrent.
La grille d’analyse générationnelle est la matrice de ces évènements, au-delà de toutes les idioties qui ont pu être dites, sur les « CRS=SS », sur le « scandale des 600 000 chômeurs » de l’époque, sur « les élections=pièges à cons »,etc.

Deux plaques tectoniques se sont affrontées. D’un côté, un pouvoir gaullien, héberlué et ébranlé. De l’autre côté, un Parti Communiste qui a refusé d’aller jusqu’au bout d’une révolution qui était à portée de la main.
Le premier s’est rétabli en s’asseyant sur la frousse du deuxième, par un simple discours (non-télévisé) de De Gaulle, de 4 minutes, le 29 mai, conduisant à de élections triomphales en juin, le tout en moins de 6 semaines.

Le 29 mai, après la plage où, avec les copines, on … revisait pour le bac, retour dans le magasin des parents. Le père :  » T’as entendu le discours de De Gaulle ? » – « Euh, non… » –  » Ah, ben, tu vas voir ce que c’est qu’un Chef d’Etat ! « .

Pendant ce temps-là, la guerre du Vietnam battait son plein.
Et deux mois plus tard, les armées du Pacte de Varsovie envahissaient la Tchéchoslovaquie.
La récréation était terminée.

Mais quand on pense retrospectivement…

– qu’une des critiques les plus fortes contre De Gaulle était « l’abus du pouvoir personnel« ,
– qu’il y a aujourd’hui près de 2 millions de chômeurs,
– qu’il n’y a pas eu un seul mort directement imputable aux révoltes étudiantes tandis qu’aujourd’hui, des étrangers « sans-papiers » se jettent par les fenêtres pour échapper à la police,
– que malgré tout, à l’époque des « trente glorieuses », la croissance était forte
– etc,etc…

on se dit qu’il y aurait aujourd’hui autrement plus de raisons de voir un soulèvement de ce genre.

Mais l’Histoire n’est pas rationnelle.

Mai 68, 40 ans après :

MAI 68, 40 ans après

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5 Responses to Mai 68 : chacun son couplet …

  1. Joël Minois dit :

    Et moi, avec 8 ans de plus, je travaillais à Paris. Je me rendais au bureau en vélo depuis la banlieu sud. Je n’ai pas vu une seule baricade, aucune manifestation et mon souvenir le plus marquant (que j’ai photographié) est l’avenue Rapp et l’avenue Bosquet sans aucune voiture même en stationnement !

  2. Joël Minois dit :

    Mille excuses pour la faute de frappe sur le mot banlieue

  3. Une seule soluce ;-} http://picasaweb.google.fr/epn.belleville/AffichesMai68. Je conseille la lecture attentive de l’affiche du PCF ;-}

  4. ysengrimus dit :

    Fort bien. Mais Mai 68 n’a pas le monopole de la protestation… que dire de mai 88…

    Mai 68 – Mai 88 – Mai 08 – Quarante graffitis de l’ère intermédiaire

    Paul Laurendeau

  5. paula reis dit :

    Que veut dire CRS-SS? Je ne trouve paas les mots.
    Merci

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