Rony Braumann, excellent clinicien de l’humanitaire

28.09.18

Extraits libres d’une conférence (45 minutes) donnée par Rony Braumann, ancien président de « Médecins sans frontières« , le 24 septembre dernier, à la Policlinique Médicale Universitaire de Lausanne (Suisse), sur le thème ; « Crises internationales, médecine humanitaire«  :

  • La médecine comporte des branches multiples : éducation à la santé, urgences épidémiques, chirurgie de guerre, vaccinations et santé publique publique, psychiatrie, orthopédie, etc…Pourquoi  parle-t-on de médecine humanitaire, et non pas de « comptabilité humanitaire », etc. Probablement  parce la médecine est une science et un art applicables aux êtres humains, mais cela ne suffit pas pour définir le terme « humanitaire »…
  • Un élément de définition serait d’affirmer qu’il s’agit d’une action qui n’attend aucune contrepartie en retour. C’est une fonction asymétrique en quelque sorte. Le sociologue Marcel Mauss définissait la structure de la société comme l’échange permanent d’actes de dons et de retour ; donner et recevoir. L’acte humanitaire ne suppose pas de « contre-dons ».
  • Sous l’angle historique, on peut résumer l’apparition de l’humanitaire essentiellement au 19 ème siècle sous trois formes successives :
    – D’abord, ce qu’on a appelé les « réformateurs sociaux » : les médecins ont progressivement fait valoir leur action en lien direct avec les conditions de vie, et surtout face aux maladies liées aux logements insalubres (tuberculose, etc), mais aussi, par exemple, contre le travail des enfants. C’est aussi la période, dans une perspective philanthropique, de la naissance de l’anti-esclavagisme, notamment à l’initiative des Quakers en Grande-Bretagne.
    – L’apparition de la médecine de guerre, avec la création de la Croix-Rouge, à partir de la bataille de Solférino (20 000 victimes, mourants abandonnés, etc), afin d’organiser des secours permanents aux militaires, puis progressivement aux populations civiles, et aboutissant à l’élaboration du droit international humanitaire.
    L’organisation de la « médecine de masse » dans le cadre de la politique coloniale dite « civilisatrice » qui, en même temps qu’elle offrait un service médical universel de base, donnait aux populations, l’image d’une sorte de suprématie occidentale, ouvrant le champ à l’imposition de la langue et de la religion coloniale.
  • Parmi les enjeux et problèmes de la médecine humanitaire (malgré le fait que devant les souffrances, il y a lieu d’agir en urgence et de poser les questions plus tard) il y a des questions courantes : pourquoi la gratuité des médicaments à 5 000 kms et pas chez nous ? Le droit humanitaire international, qui règle les comportements dans les guerres, ne revient-il pas à les justifier ? etc…
  • Mêm si l’action humanitaire moderne ne se pratique plus dans le cadre des enjeux du passé, il reste que beaucoup d’ONG définissent leur action selon des principes dits humanitaires : neutralité, impartialité, indépendance... Ces « notions-boussoles » sont très ambivalentes selon les situations : elles peuvent indiquer soit le Nord, soit le Sud…
    Neutralité : se taire ? faut-il se taire lorsqu’il y a des déplacements forcés de population que la Cour pénale internationale qualifie aujourd’hui de crime contre l’humanité ? Se taire et laisser parler les autres à leur place ?
    Impartialité : nourrir en même temps les victimes et les bourreaux dans des camps de réfugiés, suite à un génocide ?
    Indépendance : mais de qui ? de l’Etat ? des donateurs institutionnels ? des paroxysmes médiatiques ? Qu’on le veuille ou non, il faut toujours se dire qu’on est toujours utile à un pouvoir, même si en être conscient ne doit pas empêcher l’action.
  • Je n’utilise jamais le terme de bénéficiaires, mais de destinataires de l’action
  • Concernant le problème actuel des migrants, il faut distinguer 3 notions différentes :
    – le sauvetage en mer, qui est un devoir, à la fois juridique (le droit de la mer) et moral
    – le droit d’asile, défini par des critères très précis que les Etats doivent respecter
    – le droit de résidence est une autre notion, autour de laquelle il n’y a qu’une seule contrainte en droit international : ne pas renvoyer ceux qui ne bénéficient pas de l’asile dans un pays où leur vie ou leur sécurité ne sont  pas garanties.

A travers les nombreux exemples donnés pour chacune des idées exprimées, Rony Braumann se révèle un « clinicien de l’humanitaire », au sens où il analyse de manière rigoureuse, précise des actes et des objectifs, tout en dévoilant les ambivalences des mots, et de manière très pédagogique. Réfléchir à partir des faits et chiffres, et non de principes ou d’idélogies en tous genres, suppose la rigueur d’un clinicien, qui pourtant se préoccupe de ce que préconisait Maraux : « Transformer en conscience une expérience la plus large possible« .

Mais on se premettra cependant une remarque : si l’humanitaire doit se perfectionner par l’expérience, sans tomber dans les facilités des préjugés, des idéologies, des intérêts stratégiques des uns ou des autres, il est – nous semble-t-il – très important d’affirmer que, parmi les « ressources de légitimité de l’humanitaire« , l’ensemble des instruments internationaux des droits humains constitue un socle de principes, de valeurs et de normes largement négociés, adoptés, signés et ratifiés au niveau international par les Etats eux-mêmes, d’ailleurs souvent en consultant les acteurs de la société civile.
A une époque où l’effacement progressif de toute référence aux « droits humains » que la communauté internationale (ONU) a pourtant mis plus de 70 ans à établir, à travers une petite centaine de conventions internationales traitant de tous les sujets vitaux pour… l’humanité, il serait inconcevable que les acteurs humanitaires participent délibérément à cette tendance générale à négliger les droits fondamentaux que tous ces Etats ont ra-ti-fiés (c’est-àdire qu’ils sont pleinement intégrés dans leurs droits nationaux).
Le droits humains ne sont pas une idéologie, mais une boîte à outils ; c’est précisément la référence aux droits humains qui permet de libérer les acteurs humanitaires de toute référence politique, religieuse, idéologique, stratégique, etc… et qui permet justement de faire en sorte que l’exercice de la neutralité ne consiste plus à se taire…


UN DIPLOMATE AU-DELA DES CLICHES…

22.09.18
« Pour être diplomate, il ne suffit pas d’être bête, il faut aussi être poli » : attribuée à Georges Clémenceau, cette boutade continue à faire recette. En fait, que sait-on des diplomates et consuls ? En quoi consiste leur travail, comment se déroule leur vie de nomades ? Durant près de quatre décennies, Francis Cousin, ancien ambassadeur, a exercé aux Affaires étrangères des fonctions administratives, consulaires et diplomatiques. Il donne dans ce livre un éclairage vivant du service extérieur, vu de l’intérieur. Son récit nous emmène en voyage en différentes parties du monde, mettant en exergue les moments forts et les servitudes du métier. Bien davantage qu’une autobiographie, cette narration aborde des épisodes de l’histoire contemporaine la guerre au Viêt Nam et celles des Balkans, l’aide humanitaire et la coopération au développement, la problématique du trafic de stupéfiants et la difficile transition de régimes autoritaires vers la démocratie. (…) Certains épisodes se lisent comme un polar, ainsi celui de l’enlèvement de travailleurs humanitaires jurassiens par des rebelles en Ethiopie. De nombreuses anecdotes pimentent un récit qui permet de mieux connaître, au-delà des clichés habituels, le monde diplomatique et consulaire réputé formel, voire formaliste. A cet égard, il est rafraîchissant d’observer que l’auteur manie volontiers humour et ironie, voire une pointe d’autodérision. »
Extrait de la page de garde de ce livre qui se lit d’une traite…
Quand l’auteur raconte, par exemple, les difficultés d’insallation au Consulat de Suisse à Bordeaux, ou comme envoyé pour préparer l’ouverture de la nouvelle ambassade à Hanoï, après la fin de la guerre du Vietnam, et tant d’autres séquences parfois savoureuses, on se dit que dans une ambassade, c’est le Consul qui fait le boulot…Lecture vivement recomandée.
 » METIER SANS FRONTIERES – 40 ans au service de la diplomatie suisse« .
Éditions Alphil, Neuchâtel. http://www.alphil.com/index.php/metier-sans-frontieres.html


Moncef Marzouki : un espoir en Tunisie ?

13.05.15

Voici la transcription d’extraits libres d’une interview orale, diffusée en direct, le 1 er mai, par la Radio Suisse Romande, de Mr Moncef MARZOUKI, précédent Président de la Tunisie pendant la période de transition.
Dans la nébuleuse médiatique où nous pataugeons tous un peu pour comprendre quelque chose aux événements du monde arabe, son analyse est assez éclairante (c’est nous qui soulignons les formulations qui nous paraissent importantes):

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Vous avez lancé il y a quelques jours le Mouvement du peuple et des citoyens, El Harak, pour promouvoir la citoyenneté auprès des Tunisiens. Le Tunisiens ne se sentiraient-ils pas encore citoyens ?

MM : Ecoutez actuellement, je peux dire que la Tunisie est un pays démocratique comme les autres. Nous sommes passés par une période intermédiaire assez difficile. Nous avons fait une Constitution commune et nous avons fait des élections. Nous sommes maintenant un pays démocratique normal, avec des gens qui gouvernent et des gens qui sont dans l’opposition. Moi, je suis dans une opposition à très long terme, une opposition de construction, parce que les objectifs de la révolution ne sont pas tous atteints.  Nous avons encore beaucoup de chemin pour installer un Etat démocratique : entre le rite démocratique et une société réellement démocratique il y a encore beaucoup de choses à faire et je me lance dans ce travail, justement pour promouvoir le concept de citoyenneté. Je vous donne juste un exemple : nous nous sommes battus pendant trente ans pour que le peuple puisse disposer de lui-même, pour le droit de vote, mais sur 8 millions de Tunisiens, 5 millions se sont inscrits sur les listes électorales et 3 millions ont voté, alors il y a un grand déficit et c’est probablement notre responsabilité à nous, hommes politiques : ce que je veux promouvoir c’est l’accès de tous les citoyens à ces droits pour lesquels nous nous sommes battus. Donc, beaucoup de travail à faire…

La Tunisie doit tourner la page Ben Ali, force est de constater que le nouveau président est aussi issu de ce système-là…  Est-ce qu’il va être difficile, avec le nouveau gouvernement, de tourner cette page-là ?

MM : Les gens s’imaginent que les processus démocratiques sont une espèce de chemin balisé qui va toujours dans le même sens, alors que les passages d’un Etat d’une dictature à une démocratie, c’est un mouvement lent, chaotique, difficile, avec des arrêts, des accélérations. Mais l’essentiel est qu’on aille dans la bonne direction. Il est sûr et certain que le chemin est encore très long. Effectivement, le paradoxe de ces élections, c’est qu’elles ont ramené démocratiquement – et je l’ai accepté –  une partie de l’ancien régime. Cela s’est vu dans toutes les révolutions où il y a eu un grand niveau d’attente de la part des populations. Il y a toujours une déception par rapport aux gens qui viennent immédiatement au gouvernement après une révolution, parce qu’en fait ils n’ont pas de baguette magique et il y a toujours une tendance à la « restauration » qui fait partie du processus lent de toute révolution. Donc je ne suis pas étonné qu’une partie de l’électorat a voté pour l’ancien régime et c’est pour cela que j’ai créé El Harak et dire « attention, vous êtes revenus par la démocratie et ne touchez pas à la démocratie, parce que là nous sommes prêts à nous battre de nouveau si jamais vous y touchez« . Il y a effectivement quelques signes, quelques journalistes en prison. Il y a des lois de protection de policiers qui sentent un peu l’ancien régime, une tentative de museler la presse… Ces vieux comportements qui ont été actifs pendant 50 ans, ils ne disparaissent pas, surtout quand ce sont les mêmes hommes.  Donc nous sommes là pour dire : « nous nous sommes battus pour cette démocratie et quand vous voyez le Parlement débattre d’une loi liberticide, vous dites : mais attendez, il n’en est pas question… » Il faut être très méfiant, très exigeant, mais il faut aussi être très patient, parce que nous sommes dans des processus historiques complexes qui prennent du temps. Ma génération a fini son travail : je m’efforce de former une nouvelle génération de leaders qui puissent continuer le combat parce que le problème, c’est que si le temps géologique, ça se compte en milliers d’années, le temps des peuples se compte en centaines d’années, le temps des individus en quelques dizaines d’années. La maturation d’un peuple, son arrivée à l’étape démocratique – pas seulement un Etat démocratique, mais une société démocratique – ça prend des décennies et des décennies. Moi, je n’ai été qu’une étape dans ce processus : je transmets le flambeau à d’autres qui, eux, continueront ce combat.

Moncef Marzouki
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Harak ne se veut pas un parti, mais un mouvement…

MM : C’est une mouvance, c’est un peuple de citoyens, ce n’est pas seulement le decorum, le rituel, les processus, les assemblées, ce sont des comportements, des attitudes, c’est une culture. C’est pourquoi, dans ce mouvement que je compte lancer, les aspects culturels et associatifs sont prédominants. L’aspect politique est secondaire, parce que nous  avons besoin d’un parti politique,  mais l’essentiel du travail se fera auprès des citoyens, auprès des jeunes pour les amener par exemple à s’inscrire dans les listes électorales, avec des explications de ce que sont les droits et devoirs des uns et des autres. Il y a tout un travail pédagogique à faire qui n’a pas été fait malheureusement pendant la dictature, au contraire, pendant la dictature, on a détruit toutes sortes de valeurs, notamment ce sens de la citoyenneté … Il faut maintenant reconstruire. (…)
Mon rêve, c’est d’être le « père spirituel » de ce mouvement. Je suis devenu Chef d’Etat, je ne peux pas monter plus loin… Je ne suis pas Sarkozy… je vois les choses de manière un peu plus complexe. Je voudrais vraiment mettre en place des processus, des expérimentations qui me survivent…

Comment voyez-vous la place de l’Islam politique en Tunisie ?

MM : J’ai toujours refusé de faire le distinguo entre laïc et islamiste. Pour moi la ligne rouge, c’est entre démocrate et anti-démocrate. Et dans cette famille démocrate, nous avons la chance d’avoir des islamistes démocrates, qui sont un peu l’équivalent des chrétiens-démocrates en Italie, donc des musulmans démocrates. Et de l’autre côté, des anti-démocrates qui sont aussi bien des laïcs que des islamistes. Il y a des islamistes antidémocrates, notamment les islamistes violents, armés, qui ne comprennent rien à la démocratie, qui la rejettent. Mais vous avez aussi des laïcs anti-démocrates : Ben Ali n’était pas islamiste… Pour moi la bataille politique doit être par les démocrates contre les antidémocrates. Tant que nous avons la chance en Tunisie d’avoir un parti qui accepte la démocratie, qui s’intègre à ce jeu démocratique, c’est un gain pour la démocratie. A la limite, la question qui se pose de plus en plus à ce genre de parti est de moins en moins idéologique et de plus en plus sociale. On ne lui demande plus maintenant « êtes-vous islamiste ou non ? » mais « quelle est votre position sur la réforme agraire, ou face à la corruption ? », etc. Donc on est, en Tunisie, en train de sortir de l’idéologie pour dire : ce sont des Partis de gouvernement, ils doivent résoudre les problèmes. La nouveauté c’est que « Ennhada » a accepté de s’associer avec un parti de l’ancien régime, un parti qui ne brille pas par son histoire démocratique : donc,  quel va être le résultat de ce mariage un peu bizarre … Moi, mon attitude vis-à-vis de n’importe quel parti n’a plus rien à voir avec les idéologies. Pour moi, l’idéologie, c’est de la fumée. On cache derrière les véritables intentions. Aujourd’hui les vraies questions en Tunisie comme dans les pays arabes, sont : comment répartir les richesses ? Comment combattre la corruption ? Comment faire décoller l’économie ? Et tout ce fatras idéologique en rapport avec les histoires de niqab, les histoires de ceci ou de cela, c’est tout simplement des tentatives de noyer le poisson et d’éviter de poser les vrais problèmes…

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Nous avons appris que la Tunisie était le principal pays pourvoyeur de recrues pour l’Etat islamique, pour Daech… Faites-vous confiance au gouvernement de ce pays pour lutter contre ce fléau ?

MM : La Tunisie est un pays curieux. C’est un pays arabe qui a le mouvement féministe le plus avancé, le mouvement démocratique le plus avancé, et en même temps nous sommes un grand fournisseur de terroristes. Mais il faut bien comprendre d’où ça vient. Pendant les 25 ans de dictature, une partie de l’opposition s’est renforcée dans le cadre de l’opposition démocratique, avec la société civile, etc, et une autre partie d’opposition islamiste fondée dans le refus et dans la violence, et au fond ces deux forces qui ont été créées sous la dictature, sont aujourd’hui « sur le marché ». Alors c’est vrai que nous exportons beaucoup de nos « desperados » de nos jeunes mais il ne faut pas oublier les Saoudiens, les Tchechènes, les Ouigours, que sais-je encore, des Européens… Le phénomène est international. Mais je voudrais ajouter juste sur l’attentat du Musée du Bardo : ces groupes s’attaquent à la culture (comme en Irak ou ailleurs) et c’est un message très fort. Ces gens disent « nous ne sommes plus de la même culture que vous » et la rupture est vraiment radicale. Nous sommes face à une radicalité totalement inconnue dans notre monde arabe, qui traduit la profondeur de la division dans le monde arabe et le danger d’une société radicalement éclatée. Mais il ne faut pas oublier que le « printemps arabe » a tiré le tapis sous les pieds de toute cette mouvance terroriste, djihadiste, qui se prenait pour la solution au problème de la dictature. D’une certaine façon, la dictature était très à l’aise de n’avoir en face d’eux que le terrorisme, et le terrorisme était très à l’aise de n’avoir en face de lui que la dictature. Et là arrive le « printemps arabe » pour dire « attention il y a une troisième force qui veut une transformation pacifique, démocratique », etc… et cela a pris de court aussi bien la dictature que le terrorisme, ce dernier déteste probablement plus le printemps arabe que la dictature. Et c’est pourquoi nous avons subi en Tunisie toutes ces attaques qui ont failli miner tout le processus, parce que à la limite ce que voulaient les uns et les autres, aussi bien la dictature que le terrorisme, c’est que nous, les démocrates, disparaissions du paysage pour qu’ils restent entre eux, se renforçant l’un et l’autre. La dictature sait très bien qu’elle a besoin du terrorisme pour se renforcer, pour se légitimer, et le terrorisme a besoin de la dictature pour exister, et donc aujourd’hui c’est de savoir si nous pourrons résister « entre le marteau et l’enclume », empêcher que le monde arabe soit pris entre le marteau et l’enclume et soit détruit aussi bien par la dictature que par le terrorisme.

La presse mentionne un jeune djihadiste suisse qui brandit une tête coupée…Qu’auriez-vous envie de dire à ce jeune homme suisse de 18 ans, converti à l’islam et qui s’apprête à partir pour le djihad ?

MM : Là, nous sommes dans l’irrationalité la plus totale. Ma première réaction est une réaction de honte dans la mesure où ces terroristes commencent par faire détester les islamistes. Moi je connais les islamistes, il y a des islamistes démocrates, des islamistes modérés, des islamistes imbuvables, c’est un spectre… Mais ce genre d’acte fait détester tous les islamistes, puis fait détester tous les musulmans et enfin fait détester l’islam et moi cela me fait mal ! Est-ce que les Suisses savent que 99 % des victimes du terrorisme islamiste sont des musulmans ? Nous sommes les premières victimes de cette folie, car c’est de la folie. Je suis un homme rationnel et j’ai du mal à expliquer ce type de comportement. Nous sommes doublement victimes parce que c’est nous qu’on tue, ce sont nos pays qu’on détruit, mais aussi  notre réputation. Je me mets à la place d’un Suisse moyen, qui voit ce genre de choses, et qui se dit « mais c’est quoi , ces sauvages  musulmans? » Or les musulmans n’ont rien à voir avec cela. Ces gens-là nous portent un tort terrible, alors nous sommes vraiment dans le psycho-pathologique, mais cela traduit aussi une réaction – je dis cela sans rien excuser – contre tellement d’injustice: ils sont allé beaucoup, beaucoup trop loin, et c’est devenu le problème de tous. On doit réfléchir à des solutions qui ne soient pas seulement sécuritaires, armées, etc, mais aussi face à toutes ces blessures psychologiques, ces mentalités de rejet de l’autre, qui entraînent l’islamophobie, etc…


Rocard :  » le vrai courage politique, ce serait de … »

11.08.13

Parfois on se dit que c’est étonnant à quel point les politiques s’expriment intelligemment … dès lors qu’ils ont quitté le pouvoir.
Cette remarque ironique ne s’applique pourtant pas à Michel Rocard, tel qu’il s’est exprimé dans une interview publiée par « France-Culture Papier » (été 2013), d’autant plus qu’il a fait la preuve de sa capacité de gestion intelligente lorsqu’il était Premier Ministre – et qu’il est donc crédible lorsque, dans cette interview, il remet les politiques à leur place :

             Question : «  Vous êtes en train de nous dire que vous n’accordez vous-même plus vraiment de crédit aux hommes politiques ?

            « Je suis plus critique vis-à-vis des grands universitaires, car c’est d’eux que devraient sortir les grands remèdes. Or, devant ces changements ultra-rapides que nous avons vécus depuis un demi-siècle, les savoirs se sont multipliés et intensifiés et plus personne ne peut posséder tout le savoir humain. (…) Les savoirs se sont spécialisés. Ma discipline qui s’appelle l’ « économie » est la plus ridicule des disciplines modernes, car elle n’a rien vu venir dans une crise qui est due pourtant à une mauvaise façon de penser l’économie. Elle a cherché à travers la mathématisation de ses enchaînements logiques à s’apparenter aux sciences dures pour essayer d’y gagner un égal respect.   C’était idiot, car la matière de base reste sociologique. L’économie s’est trompée, elle s’est coupée de la sociologie, de l’ergonomie, de la science du travail, de l’histoire et même de la politologie, de l’organisation du pouvoir.

            Isolée, (l’économie) nous a inventé un système fou, des paradigmes disant que le marché s’auto-équilibre. La nature s’est fâchée, elle est venue crier aux humains de mettre de la paix dans leurs affaires ; que nous disons des bêtises ; que ça ne se passe pas comme ça. L’économie est morte (…) de l’isolement de son propre savoir. C’est aux hommes de savoir qu’appartient la définition du diagnostic et surtout, du traitement : les politiques cueilleront les remèdes pour les vendre à l’opinion publique, rendra faisable et possible ce qui est jugé le meilleur par le savoir. Il redevient possible de demander aux politiques (…) une organisation de la vie collective. Ce métier doit toujours être fait, il est compliqué par la gravité de la crise.

           Mais la création de l’avenir, ne l’imputez pas aux politiques, s’il vous plaît ! Il ne faut pas oublier (…) que nous avons appris cet art de gouverner à l’abri d’un concept inouï, celui de la souveraineté nationale, du chacun chez soi. Il n’a que trois cents ans d’âge. (…) Mais la souveraineté nationale est maintenant à bout de course, parce que tous les problèmes que nous vivons nous sont communs : le désordre financier est mondial, l’endettement budgétaire excessif des Etats est  mondial, le chômage, l’impossibilité de faire fonctionner l’économie pour retrouver le plein emploi. Le réchauffement climatique  également n’a pas de frontière. Il faudrait gouverner à ce niveau-là, or il n’existe même pas les outils nécessaires. »

          « Le courage et l’imagination supposent des bases de départ concrètes que sont la connaissance et la compréhension., C’est du côté de la compréhension que pour le moment, nous sommes courts.(…) Ce n’est pas une crise, c’est vraiment autre chose, des phénomènes à traiter ensemble (émergence du chômage, précarité, pagaille financière, crise de la dette, réchauffement climatique), tout cela est un appel à l’intelligence, au travail intellectuel, il faudra peut-être du courage pour l’appliquer, mais le recours au courage ne sera nécessaire que quand nous aurons l’outil. »
           « Je pense profondément que la mise en cause de l’absolutisme et de la souveraineté nationale est l’urgence mondiale d’aujourd’hui. »

              Question : dans un sondage, 70% des sondés pensent que la France a besoin d’un chef et d’autorité. Ce sondage vous -t-il surpris ?

           « Hélas non ! Les sondés disent l’évidence, ils répondent naïvement avec la croyance que parce qu’il y aurait un seuls chef et beaucoup de pouvoirs attribués é ce chef, il serait éclairé, il comprendrait les mécaniques multiples qui, mondialement, jouent sur nous. Ce n’est pas vrai.
           L’art de gouverner ne peut être que collégial, par définition, par structure, par condition, pour capter la confiance et aussi l’information, fabriquer des analyses collectives, les outils d’analyse mentale pour en sortir. Mais voyez l’état de délabrement où l’opinion est laissée par le niveau actuel de l’information politique.
           Notre survie exige que nous sachions, tous ensemble, journalistes compris, donner la priorité au temps long, à la compréhension des mécanismes plutôt qu’à l’évènement. »

(source image)

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Par ailleurs, Michel Rocard est co-fondateur du
COLLECTIF ROOSEVELT
qui propose  » 3 chantiers prioritaires et 15 réformes  »
et auquel tout un chacun peut adhérer : voir le site
http://www.roosevelt2012.fr/


La marée pour tous…

28.05.13

De passage à Paris au moment de la  » Manif pour tous « , ce dimanche 26 mai, et curieux de humer l’air du temps autrement que par petits plats mijotés par les journaux télévisés, l’Abrincate a flâné parmi les manifestants, par curiosité, et en a tiré quelques impressions…
Pour l’analyse du sujet sur le fond, se reporter à un autre billet de ce blog.

L’immense majorité des manifestants étaient en couple ou en famille, et visiblement, des familles avec enfants sont venus pour défier les avertissements du Ministre de l’Intérieur qui, la veille, avait insisté pour que les familles n’amènent pas leurs enfants : les medias se sont donc précipités pour interviewer les familles :

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Tous les ingrédients nécessaires à une manifestation festive étaient réunis, avec quelques mimétismes de « gay pride » : sonorisation mobile :

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et reprise du drapeau arc-en-ciel, mais avec le symbole de la famille en surimpression :

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Il est rare de voir une manifestation ouverte
par un escadron de gendarmerie harnaché jusqu’aux dents…

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…chargé de détecter les casseurs
qui tenteraient de s’infiltrer dans le cortège :
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Des immeubles entiers témoignaient de leur solidarité
(boulevard St Germain) :

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Des jeunes filles  avec bonnets phrygiens,
et disant représenter les régions de France,
s’activaient à donner un look révolutionnaire à l’événement :

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Des groupes de manifestants attendaient le cortège,
comme s’ils attendaient la marée…
pour s’y joindre à son passage et, en attendant,
applaudissaient les gendarmes qui ouvraient le défilé en leur criant :
« Allez les Bleus« …

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Beaucoup, beaucoup, beaucoup de jeunes :

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On laissera le lecteur contempler ci-dessous,
sans grands commentaires,
des échantillons de slogans qui en disent long
sur les amalgames de mots d’ordre,
et imaginer cela sur fond de sonorisation lancinante :
« on ne lâ-che-ra rien, jamais-jamais-jamais« ,
véritablement hurlé en quasi-continu (place des Invalides).
Le litige porte bien sur l’utilisation du mot « mariage »
et sur les conséquences, potentielles ou fantasmagoriques,
que le terme et la loi votée et promulguée entraînent.
Sans mauvais jeu de mots,
il y avait pour le moins un « mélange des genres ».
Qu’on en juge :

la métaphysique…

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l’inévitable écologie…

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le n’importe quoi…

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la bande dessinée…

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A quand le mariage lyophilisé ?

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« Pense-à-tout », sauf à fermer sa braguette…

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Heureusement, un peu d’humour…

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Une petite pensée pour Robert Lamoureux…

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Exact !

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Vivement  la prochaine élection présidentielle …

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Signé : « de la part de l’enfant No 3 « …

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Message codé réservé aux moins de 18 ans…

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On oublie la reine ?

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Contresens sur la parité…

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C’est notre série : «  les incontournables intemporels « 

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Bêtise et vulgarité…

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 » C’est celui qui l’dit qu’y est… »

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Manif transversale…

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Triste,triste, triste, à 16 ans…

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Et réciproquement…
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Vive la transparence…

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 A quand 200 000 manifestants
en faveur des 5 millions de chômeurs et précaires ?DSC07097

sans oublier …

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PS : toutes les photos ont été prises par l’Abrincate


Eléments d’histoire des  » droits de l’enfant « 

12.04.13

(…) Dans l’Antiquité, l’enfant est défini négativement, ou si l’on préfère, « en creux » : infans signifie celui qui ne parle pas, ou encore faisant partie, comme le dit Aristote de ces « êtres dépourvus de raison » (Ethique à Nicomaque, EN, III, 4, 1111 b 10). Le droit de vie ou de mort du père sur l’enfant est considéré comme naturel, mais l’enfant est valorisé sous l’angle de la pérennité de la lignée et de la transmission des biens d’une génération à l’autre. Mais ce sont aussi des sociétés où la mortalité infantile est très forte : et les enfants qui survivent doivent souvent, dès l’âge de la marche et l’usage de la parole, contribuer aux activités et travaux de sa famille.

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                Au Moyen-Âge, l’enfant demeure un être sans personnalité propre, qui dépend complètement à la famille, tout en travaillant dans l’agriculture ou au domicile familial. Les rares enfants scolarisés le sont dans le cadre de l’éducation religieuse chrétienne.

                A partir de la Renaissance et jusqu’au 18 ème siècle, l’enfant fait progressivement l’objet d’une réflexion pédagogique spécifique. Dans l’univers culturel francophone, Rabelais, Montaigne, et surtout Jean-Jacques Rousseau promeuvent l’idée d’une éducation humaniste, détachée de l’éducation strictement religieuse et centrée sur le développement des potentialités de l’enfant, en considérant les différences entre filles et garçons, et selon une perception plus positive de leur identité et de leur place dans la société : l’enfant est un être humain à part entière et non plus un adulte en miniature qui serait « dans la salle d’attente de l’humanité »

                « Tout ce que nous n’avons pas à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l’éducation. Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes ou des choses. Le développement interne de nos facultés et de nos organes est l’éducation de la nature ; l’usage qu’on nous apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes ; et l’acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses. » Jean-Jacques ROUSSEAU – (Emile ou de l’éducation. Paris, Garnier, 1966, p. 37)

                « Ayant plutost envie d’en tirer un habil’ homme qu’un homme sçavant, je voudrois aussi qu’on fut soigneux de luy choisir un conducteur qui eust plutost la teste bien faicte que bien pleine ».
MONTAIGNE « De l’institution des enfans » I, 26, p. 149.

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Les droits de l’enfant commencent par le droit à l’éducation

Dans le domaine du droit à l’éducation, l’évolution de la conception de l’enfance peut être étudiée dans l’histoire de chaque pays. Le cas de la France mérite attention, non par une quelconque prééminence au niveau international, mais parce que les étapes successives depuis la Révolution Française ont eu une influence historique relative sur les mentalités et sur les lois des pays francophones.

En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pendant la Révolution française, prolonge les Cahiers de doléances du Tiers-Etat, lesquels demandent un plan d’éducation pour toutes les classes de la société, et la création d’établissements pour les enfants abandonnés et vagabonds.
Cahier de « Paris-hors-les-murs » :  » Les écoles manquent partout… Depuis longtemps, nous désirons un maître d’école pour l’instruction d’une jeunesse qui croupit dans l’ignorance… Les députés demanderont l’exécution de l’édit de 1695 relativement à l’établissement de maîtres d’école dans les campagnes. »
http://www.gauchemip.org/spip.php?article2843
Le village de St-Lumine-de-Coutais précise qu’il veut « faire admettre dans les collèges militaires, les communautés fondées par (le Roi), un nombre d’enfants du Tiers-État des deux sexes, égal à celui de la noblesse, qui sera fixé en fonction de la population de chaque évêché» (Art. 17).
http://museepaysderetz.free.fr/1789-1989_06.html
Les gens du Tiers Etat  souhaitent l’équité dans accès aux carrières pour eux et leurs enfants. Il a aussi été rédigé un « Cahier de doléances des enfants » (avril 1789) :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1989_num_278_1_1284

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En 1792, CONDORCET présente un plan d’instruction publique pour lutter contre  l’exploitation des enfants par le travail. Préambule du discours de Condorcet, député de Paris, à l’Assemblée Nationale législative, le 2 avril 1792 :

« Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs ; Assurer à chacun d’eux la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi : tel doit être le premier but d’une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice.(…) Tel doit être l’objet de l’instruction ; et c’est pour la puissance publique un devoir imposé par l’intérêt commun de la société, par celui de l’humanité entière. »
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ducation_populaire

« On enseigne dans les écoles primaires ce qui est nécessaire à chaque individu pour se conduire lui-même et jouir de la plénitude de ses droits. Toute collection de maisons renfermant quatre cents habitants aura une école et un maître. On enseignera dans ces écoles à lire, à écrire, ce qui suppose nécessairement quelques notions grammaticales ; on y joindra les règles de l’arithmétique, des méthodes simples de mesurer exactement un terrain, de toiser un édifice ;(…) On y développera les principes et les règles de la morale avec plus d’étendue, ainsi que cette partie des lois nationales dont l’ignorance empêcherait un citoyen de connaître ses droits et de les exercer.

« Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commandes seraient d’utiles vérités ; le genre humain n’en resterait pas moins partagé entre deux classes : celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient. Celle des maîtres et celle des esclaves. (…) « L’instruction permet d’établir une égalité de fait et de rendre l’égalité politique reconnue par la loi ».
Rapport sur l’organisation générale de l’Instruction publique présenté à l’Assemblée nationale législative au nom du Comité d’Instruction publique les 20 et 21 avril 1792 par Condorcet : http://wikiwix.com/cache/?url=http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=2424&title=Voir%20extraits%20en%20ligne

A une époque où les discours se multiplient dans le sens d’une conception de l’éducation orientée sur le futur rôle de producteur et de consommateur des enfants d’aujourd’hui, il n’est pas inutile de rappeler avec quels arguments les initiateurs d’une école primaire, publique et obligatoire ont fondé le système éducatif il y a un peu plus de deux siècles.

En 1793, la Constitution de l’An I de la République prévoit le droit à l’instruction et à l’assistance, tandis que le Code Civil affirme les devoirs des parents envers les enfants : « Surveillance et Protection » :
– une loi du 2/11/1793 qui assimile les enfants naturels et légitimes, mais distingue entre les enfants naturels simples et les enfants naturels adultérins ou incestueux.
– une loi de janvier 1794 qui institue l’égalité entre enfants en matière d’héritage.
– que l’adoption n’est permise qu’à titre exceptionnel : l’adoptant doit avoir au moins 50 ans et ne pas avoir d’enfants, l’adopté doit être majeur (en dessous de 25 ans, il faut l’autorisation de ses parents naturels) et il faut au moins 15 ans d’écart entre l’adopté et l’adoptant.
En 1795, la loi Lakanal institue une école primaire publique pour 1 000 habitants.

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Au XIX ème siècle, l’industrialisation favorise l’émergence progressive de la « famille nucléaire » (parents et enfants « directs »), alors que dans la société rurale traditionnelle, la famille vivait de manière élargie. Mais ce développement économique conduit parallèlement à considérer l’enfant comme force de travail dans les filatures, manufactures et dans les mines dans et autour des grandes villes.

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En 1813, un décret interdit de faire descendre dans les mines des enfants de moins de 10 ans. En 1833, la loi Guizot instaure une « école supérieure » (collège) pour 6 000 habitants.
En 1850, puis 1867, la loi Falloux oblige d’ouvrir une école de filles dans les communes de plus de 500 habitants.
En 1874, la loi réduit la durée du travail des femmes et des enfants et interdit l’embauche d’enfants de moins de 12 ans. La journée de travail des enfants de 10/12 ans ne peut dépasser 6 heures et 12 heures pour les enfants de plus de 12 ans.

 En 1882, la loi Ferry organise l’enseignement primaire obligatoire, laïc et gratuit pour tous les enfants de 6 à 13 ans :


Art. 4. – L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie. Un règlement déterminera les moyens d’assurer l’instruction primaire aux enfants sourds-muets et aux aveugles. (…)
Article 15 : (La commission scolaire)  « peut aussi
(…), dispenser les enfants employés dans l’industrie, et arrivés à l’âge de l’apprentissage, d’une des deux classes de la journée ; la même facilité sera accordée à tous les enfants employés hors de leur famille dans l’agriculture. »

En 1898, la nécessité s’accentue de protéger l’enfant de la violence non seulement dans l’univers de la production industrielle, mais aussi dans sa communauté de vie quotidienne, que ce soit à l’école ou dans sa famille. Une loi est adoptée qui affiche « La répression des violences, voies de faits, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants » : « La loi de 1898 soutenue par René Bérenger, souligne le lien entre l’enfant coupable et l’enfant victime. Dans le livre qu’il a consacré à l’histoire de la conceptualisation de la déviance juvénile, Jean-Marie Renouard note “ l’utilisation de la déviance du second pour pointer celle de sa famille. En passant du coupable à l’enfant victime, on passe de la responsabilité individuelle à la responsabilité familiale. On déculpabilise en partie l’enfant pour mieux culpabiliser totalement sa famille.(…)  http://rhei.revues.org/index31.html  

Mais ces progrès ne sont pas allés sans débats ni controverses : à Adolphe Thiers qui prétendait en 1848 : « Lire, écrire et compter, voilà ce qu’il faut apprendre, quant au reste, tout cela est superflu.(…) Folie bien plus funeste encore, celle qui consisterait à rendre ce même enseignement obligatoire.(…) L’enfant qui a trop suivi l’école ne veut plus tenir la charrue.(…), Victor Hugo répondit : « Le droit de l’enfant, c’est d’être un homme : ce qui fait l’homme, c’est la lumière ; ce qui fait la lumière c’est l’instruction. Donc le droit de l’enfant,  c’est l’instruction gratuite obligatoire. »Choses vues »)

L’Etat impose donc progressivement l’obligation scolaire, ce qui contribue à diminuer l’exploitation des enfants par le travail dès leur plus jeune âge, et la répression des violences infligées aux enfants y compris au sein de leur propre famille. Dans les deux cas, la toute-puissance paternelle est désormais encadrée, mais en aucun cas, l’Etat ne remet en question la notion d’autorité parentale qui reste entière : il s’appuie toujours principalement sur les familles et sur l’autorité parentale pour protéger les enfants.

Au XX ème siècle, la situation de l’enfance se caractérise sous quatre aspects :

1 – L’urbanisation contraint beaucoup de parents à travailler séparément pour subvenir aux besoins de la famille. Il n’y a plus en ville le même degré de satisfaction des besoins en nature (jardin potager, bétail, etc.) ni les mêmes liens communautaires (cohabitation des générations) que dans le milieu rural ancestral. Progressivement, on constate une augmentation relative du pourcentage d’éclatement de familles (séparations, divorces, etc…)

2 – La reprise de la natalité après la seconde guerre mondiale, dans un contexte de croissance économique des « Trente glorieuses », s’accompagne de l’ouverture progressive à la notion de psychologie de l’enfant et de ses besoins spécifiques. Ce qui contraste avec la perception de l’enfance à tendance misérabiliste au 19 ème siècle : de nombreux écrivains décrivent l’enfance malheureuse (« Sans familles » d’Hector Malot, « David Copperfield » de Charles Dickens, ou dans « Les Misérables » de Victor Hugo, etc… jusqu’à Gilbert Cesbron, dans les années 1950, « Chiens perdus sans colliers »). Cette prise de conscience des besoins spécifiques de l’enfant va de pair avec l’idée qu’un enfant n’est la propriété discrétionnaire de personne, ni de sa famille, ni de l’école, ni de l’Etat, qui ont des obligations et des devoirs vis-à-vis de lui.

3 – Le développement des media a fait prendre conscience des conséquences sur l’enfance des drames vécus, à travers le monde entier, dans les conflits ou dans les situations de calamités naturelles. Cette médiatisation accompagne le développement de l’idée d’adoption internationale, en rupture radicale avec les pratiques et les perceptions propres à l’adoption traditionnelle dans les sociétés et les siècles précédents.

4 – La diminution relative de la mortalité infantile dans le tiers monde va de pair avec la diminution relative de la natalité dans les pays développés. Dans beaucoup de pays en voie de développement, la forte proportion de moins de 18 ans incite les familles à contraindre leurs enfants au travail (au détriment de leur scolarité) ce qui entraîne sur le marché du travail une tendance croissante à l’exploitation des enfants par le travail forcé, agricole, domestique ou industriel, ainsi qu’au marché lucratif de toutes formes de migrations, motivées, dans les pays d’origine, par le désir de survivre et d’offrir aux enfants une vie meilleure, et dans les pays d’accueil, par de multiples formes d’exploitation ou par les demandes d’adoption internationale. Parallèlement, dans certains pays développés, où l’enfant est une « denrée rare », les possibilités de reproduction assistée, le génie génétique, la possibilité d’ « accoucher sous X », de faire recours à des « mères porteuses » posent de nouvelles questions éthiques, par exemple face au droit de l’enfant à connaître ses origines.

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Réflexions contemporaines…

« L’enfant contemporain est (…) en multipropriété. Produit dans et pour le couple, il est aussi enfant public, protégé par un corps de lois. Mais de plus en plus, il s’appartient à lui-même, exprime ses choix et ses droits. (…) Avec les recompositions familiales et les techniques de reproduction assistée, la société occidentale est mise en demeure de repenser le tout-biologique de la filiation. »
A quoi s’ajoute la demande « des homosexuels de devenir pères et mères, face aux possibilités ouvertes par l’assistance à la procréation médicale et la gestation pour autrui »
(…)  – « Enfant d’Europe pour l’essentiel bien nourri et bien éduqué qu’on s’efforce d’aider à s’accomplir et à mettre en valeur ses « potentialités », enfant prétexte pour parler de soi, enfant truchement des passions contraires qui traversent la société… Il est bien difficile de dire aujourd’hui à qui sont les enfants.(…) Irions-nous vers un système de propriété de l’enfant proche des systèmes africains ou asiatiques ? (…) On peut se demander si on n’assiste pas à l’émergence d’un nouveau système de parenté.(…) L’enfant « occupe une place complexe :  si, d’un côté, il est de plus en plus désiré, entouré, écouté, soutenu, il subit de plein fouet les conséquences des déboires conjugaux de ses parents comme il apparaît aussi victime de maltraitances diverses.(…)
« A qui appartiennent les enfants ? », Martine Segalen – Ed.Tallandier.

« Nous remarquons que l’adolescence apparaît de plus en plus tôt et qu’elle laisse les parents de plus en plus démunis. Dans notre monde scientifique, nous dit Catherine Mathelin, où les enfants sont programmés, désirés, attendus, dans une société où tout est fait pour eux, et pour qu’ils soient le plus heureux possible, que viennent-ils nous dire en nous agressant plus ou moins sauvagement, dès l’âge de 9 ou 10 ans?(…)  » L’adolescence précoce est directement liée à notre éducation moderne tout comme elle est liée au processus d’infantilisation des parents.  Les enfants deviennent des adultes plus tôt et les adultes restent plus longtemps enfants. C’est un effet de la modernité. «  » C’est aussi le malaise des parents d’aujourd’hui que les enfants, au détriment de leur vie à eux, essaient d’apaiser.(…) Les enfants dans un système d’éducation où ils se retrouvent mis, par les parents, à une place de copains ou de consultants, devront se détacher d’eux plus brutalement à l’adolescence.  Il en est de même pour ceux qui, trop choyés et adulés par la mère ou le père, auront à traverser une période très violente pour enfin se détacher d’eux et se tourner vers les autres. » (…)
Catherine Mathelin, psychologue québecoise.

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P.S. : Ce billet comprend des extraits de notes prises parfois depuis de nombreuses années dans différentes sources, pour des exposés, présentations et articles, sans avoir – malheureusement –  noté systématiquement ces sources et références. Les auteurs qui reconnaîtraient des formulations non référencées sont invités à le mentionner en commentaires de ce billet. L’Abrincate ne manquera pas d’ajouter la référence dans le texte.

« Aucun mot ne saurait défaire ce qui a été fait »

12.04.13

Ce 11 avril 2013, l’Etat suisse a organisé une cérémonie officielle … d’excuses, à Berne, en présence de la Ministre de la Justice Simonetta Sommaruga, de représentants des institutions, des Eglises, des cantons, des villes, de l’Union suisse des paysans, etc.

… Quid ?

(…) « quelque 100’000 enfants placés aux 19ème et 20ème siècles en Suisse. Formant une force de travail bon marché, ils ont été parfois battus, mal nourris, voire abusés sexuellement. D’autre part, des «filles mères» ou des «marginaux» ont été emprisonnés sans jugement ou internés en hôpital psychiatrique jusqu’aux années 1980. Les autorités ont parfois ordonné la castration et la stérilisation ou l’adoption forcée d’enfants. »

(…) Le quotidien de boulevard Blick a calculé, avec l’économiste en chef d’une grande banque, que «le travail gratuit des enfants a rapporté à l’agriculture entre 20 et 65 milliards de francs. Environ 10’000 des enfants concernés vivant encore, ils devraient toucher 1,2 milliard de francs.»

Enfances brisées [DR]

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La Ministre de la Justice s’exprime en ces termes :

(…) De nombreuses femmes et de nombreux hommes dans cette salle savent ce que cela signifie d’être placé, sans protection, sans explication, dans un foyer étranger, d’être méprisé, d’être abaissé, d’être humilié.
De nombreuses personnes dans cette salle savent trop bien ce que c’est de se sentir impuissant, d’être maltraité physiquement et psychiquement, d’être abusé sexuellement.
Ce sont des femmes et des hommes, parmi nous, qui ont été stérilisés contre leur volonté. Ce sont des mères, dans cette salle, auxquelles on a enlevé leur enfant, parce qu’elles n’étaient pas mariées. Ou des femmes qui ont été contraintes d’avorter, ou des mères de donner leur enfant à l’adoption. »
(…)
Priver un enfant de ce dont tous les enfants ont besoin – l’amour, l’affection, l’attention et le respect – c’est faire preuve de cruauté. Lorsqu’un enfant – ou un adulte – doit en plus supporter des violences psychiques ou physiques et qu’on lui ôte l’espoir de voir quelqu’un le protéger – c’est une violation de la dignité humaine.
Je le dis en tant que votre concitoyenne. Je l’affirme en tant que ministre de la justice. Et je le répète en tant que membre de notre gouvernement national : rien n’a plus de prix que la dignité humaine. » (…)
La maturité d’une société se mesure au regard qu’elle est capable de porter sur son passé.(…) Bien sûr, c’était une autre époque. Même si – bien heureusement – nous voyons aujourd’hui de nombreuses choses d’une autre manière, je m’oppose à un excès de relativisme. (…) La dignité humaine n’est pas une découverte du 21e siècle. La mère à laquelle on arrachait son enfant de 15 jours ne ressentait pas autre chose que ce que ressentirait une mère aujourd’hui. Et un enfant méprisé, humilié, considéré comme moins que rien, ne souffrait pas moins à l’époque que ne souffrirait aujourd’hui un enfant qui serait traité de cette façon. »

Mme Simonetta Somaruga , Ministre de la Justice
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L’Histoire se prête trop aux amalgames faciles pour ne pas se méfier des comparaisons et analogies artificielles, sinon douteuses. Et l’énumération qui suit ne suggère aucun amalgame idéologique à partir de faits survenus dans des pays différents et à des périodes différentes.

L’énumération qui suit vise, au contraire, à montrer que, quels que soient les régimes  et les systèmes idéologiques de pouvoir, des réalités historiques sont apparues avec un certain nombre de points communs – à tous les régimes, précisément :

– le rôle de l’Etat et des institutions, publiques et privées;
– le nombre souvent impressionnant d’enfants concernés;
– l’objectif d’assistance à l’enfance, de bonne foi selon les valeurs de l’époque, mais parfois comme prétexte à but lucratif ;
– l’interêt économique (transactions ou épargne…)

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On se permettra donc de rappeler les faits historique suivants :

ESPAGNE

 » En Espagne, près de 300 000 enfants pourraient avoir fait l’objet d’adoptions frauduleuses depuis les années 40 jusqu’aux années 90. La justice commence à entendre les victimes de ce juteux marché. Dans ce dossier, le traditionnel silence qui entoure les crimes du franquisme en Espagne n’a pas pu, cette fois, étouffer la clameur des victimes d’une tragédie qui brise encore des vies trente-cinq ans après la mort de Franco. (…) Après la guerre civile espagnole (1936-1939), environ trente mille enfants ont été enlevés à leurs mères républicaines pour être confiés à des institutions publiques ou à des familles proches du régime du général Franco.(…)
Dès les années 60 toutefois, ce sont des motifs purement crapuleux qui ont permis la perpétuation de ces « vols », donnant lieu à un vrai trafic. Les enfants étaient alors enlevés à des femmes vulnérables, mineures ou en situation de précarité sociale, et remis moyennant paiement à une famille adoptive. Lorsque les mères n’avaient pas « cédé » leur enfant, on leur faisait croire qu’il était mort-né. Pour éviter tout problème, on leur affirmait que l’hôpital se chargerait des formalités administratives et de l’enterrement.Le phénomène a été particulièrement intense entre 1960 et 1980. Le sociologue Francisco Tena, qui s’est spécialisé dans cette affaire, affirme toutefois (au quotidien El Mundo) avoir vu des cas jusqu’en 1995, soit vingt ans après la mort de Franco.(…)L’Association nationale des affectés par les adoptions illégales (Anadir) a calculé que 300 000 enfants pourraient avoir fait l’objet d’adoptions frauduleuses. (…)

Source :
– Gaëlle Lucas | MyEurop.info | 07/01/2011 | 13H40
– Chronique d’Audrey Pulvar – France Inter – mardi 25 janvier 2011)
– Quotidien suisse « 24 heures » : http://actu.en24heures.com/en-espagne-les-enfants-voles-du-franquisme-reclament-justice

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GRANDE-BRETAGNE

(…) … le fait qu’un pays européen tel que le Royaume-Uni enlève sciemment les enfants de ses propres familles et les fasse adopter sans le consentement des parents de naissance demeure un phénomène peu connu, car les familles touchées n’ont pas le droit d’évoquer leur cas en dehors de la cour de justice familiale, encore moins d’en parler à un journaliste, sous peine d’emprisonnement. Le Royaume-Uni a pourtant une histoire douteuse en matière de «protection de l’enfance» depuis le 19ème siècle. L’un des épisodes les plus dramatiques a duré 70 ans : les enfants volés aux familles pauvres étaient envoyés en Australie dans le cadre du programme d’état «Migrant Children» pour y créer «une bonne souche blanche» ! 40 ans après la fin du programme, au début de l’année 2010, Gordon Brown, David Cameron et Nick Clegg ont produit des excuses publiques à la Chambre des Communes pour ce désastre historique.


La reconnaissance en elle-même de cet exil forcé, malgré plusieurs décennies de campagne par les familles de victimes, n’a pratiquement fait l’objet d’aucune couverture médiatique et ses responsables n’ont jamais été punis. Aujourd’hui, le «gagging order» (ordre de bâillonnement) protège l’état, non seulement de la liberté de la presse, mais aussi de la liberté d’expression. Les parents en sont venus à utiliser les médias alternatifs pour décrire leur calvaire et surtout, retrouver leurs enfants. (…) Et surtout, il y a ces milliers de femmes accusées de «future négligence» ou «futur   dommage émotionnel» de leur enfant, dès les premiers jours de la grossesse… On leur enlève le nourrisson à la naissance et
on leur enlèvera ainsi chaque nouveau bébé, sur la seule foi d’un psychiatre payé par les services sociaux. Leur crime : avoir été victime de violence domestique, soit par leurs parents, soit par leur partenaire, et très souvent
par la famille d’accueil ou l’orphelinat ou elles-mêmes avaient été placées.
Plusieurs centaines de ces mères, seules ou en couple, ont fui à l’étranger afin de pouvoir garder leur bébé. Les histoires et dossiers légaux de ces familles lui ont fait connaître l’étendue et la variété des tactiques utilisées par les services sociaux pour piéger les parents. »  – (Etc,etc…)
Source : Blog de jean-Pierre Rosenczweig, juge des  mineurs http://jprosen.blog.lemonde.fr/2011/02/05/gers-des-relents-de-la-ddass-de-jadis-413/

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ARGENTINE

 (…) Lorsqu’en 1976, les forces armées prirent le contrôle du gouvernement argentin, elles commencèrent par mettre en oeuvre un plan systématique de destruction et de violation des droits les plus fondamentaux de l’homme.
De cette manière, elles causèrent la disparition de 30.000 personnes de tous âges, provenant des milieux sociaux les plus divers. Parmi les disparus, on dénombre plusieurs centaines d’enfants qui furent kidnappés avec leurs parents ou qui naquirent dans des centres de détention clandestins où leurs mères enceintes avaient été emmenées.
Plusieurs de ces enfants furent enregistrés comme enfants appartenant à des membres des forces de répression ; certains furent abandonnés alors que d’autres furent laissés dans des institutions en tant qu’enfants sans identité. De cette manière beaucoup d’enfants disparurent et leur identité fut détruite, les privant ainsi de leurs droits, libertés et familles naturelles. »(…)
Après des années dramatiques de recherches incessantes, il a été possible de localiser 58 enfants disparus dont 8 avaient été assassinés. Des 50 restants, 33 se trouvent déjà auprès de leur famille légitime et d’autres sont en contact avec leurs grands parents, avec leur vraie identité et leur propre histoire rétablie par des jugements de tribunaux.
Dans le but d’apporter de l’aide à cette tâche, l’Association a créé une équipe technique composée de 18 professionnels incluant des avocats, des médecins et des psychologues.


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Mme De Carlotto,
présidente de l’Association des Grands-mères de la Place de Mai

 » Chacun des enfants disparus possède un dossier en attente auprès d’une instance judiciaire et chaque nouvelle information reçue est ajoutée à ce dossier de sorte que plus le temps passe, plus il va être possible de déterminer l’identité réelle de tous les enfants ainsi que celle des responsables de leur enlèvement ou de leur adoption illégale.
Afin de préserver dans le futur les résultats obtenus lors de tests sanguins en vue de l’identification des enfants, une banque de données génétiques a été créée par la loi nationale No. 23.511 où l’histoire génétique de toutes les familles dont les enfants ont été enlevés sera conservée. « (…)

Source : Association « ABUELAS DE PLAZA DE MAYO »
Corrientes 3284 / 4o Piso / Dto. II / (1193) Capital Federal / ARGENTINE
Email: abuelas@wamani.apc.org  –  http://www.wamani.apc.org/abuelas/

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AUSTRALIE

 » L’expression « générations volées » (« Stolen Generations » ou « Stolen Children »), utilisée parfois au singulier (« génération volée » ou « Stolen Generation »), désigne les enfants d’Aborigènes australiens et d’indigènes du détroit de Torres enlevés de force à leurs parents par le gouvernement australien depuis 1869 jusqu’en 1969 environ. Ces enfants étaient le plus souvent des métis de mère aborigène et de père blanc. Ils furent placés dans des orphelinats, des internats, ou bien confiés à des missions chrétiennes ou à des familles d’accueil blanches.


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Ces actes sont reconnus par la majorité de la classe politique australienne comme l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire du pays, mais suscitent néanmoins débats et controverses encore aujourd’hui [1]. Le fait de savoir s’il faut ou non des excuses officielles du gouvernement, et s’il y a eu ou non tentative de génocide à l’encontre des Aborigènes[2], sont particulièrement sujets à controverse. En 1997, un rapport intitulé « Bringing them home » (Les ramener à la maison)[3] détaille l’histoire de ces pratiques, publie des témoignages, et suggère qu’environ cent mille enfants appartiennent aux « générations volées ». Le 11 décembre 2007, le gouvernement fédéral dirigé par Kevin Rudd promet des excuses officielles au nom de l’État australien[4]. Ces excuses sont présentées le 13 février 2008[5],[6].

Source : Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9rations_vol%C3%A9es

Plus tard, l’ancien Premier Ministre australien, Kevin RUDD s’exprimait ainsi dans une réunions publique en 2012 :

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(…) « Tout est possible si l’on sait ce que l’on veut. Ce lieu est une source d’inspiration. Ne sous-estimez pas le pouvoir que vous avez en tant que membre de la société civile. Avec le temps, vous pouvez soulever des montagnes. »
L’ancien premier ministre a décrit les éléments qui sont, selon lui, cruciaux pour des excuses réussies. Le premier élément est la sincérité des excuses : « Les excuses doivent être sincères, les gens ne sont pas dupes. » Kevin Rudd a écrit lui-même son discours à la main après avoir écouté pendant trois heures le récit d’une dame agée appartenant à la génération volée. « Pour un responsable politique, il est difficile de se taire pendant trois heures et d’écouter quelqu’un d’autre ». Les excuses doivent également être « bien reçues ». « Il y a toujours un risque ». Ces deux premiers éléments sont indispensables pour que « les excuses puissent apporter un réel changement. » La politique est faite de procédures et de comités, il n’existe pas de ministère des sentiments humains. Pourtant, selon Kevin Rudd, cette dimension est cruciale et les excuses sont un sacrement laïc qui peut avoir un impact spirituel et émotionnel profond. Autre élément fondamental, les excuses doivent également être basées sur des faits et ce fut le cas puisque ces excuses sont basées sur un rapport scientifique du comité. »(…)
Source : http://www.caux.iofc.org/fr/excuses_Kevin_Rudd

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FRANCE

 » Dans les années 1960 et 1970, la DDASS de la Réunion a transféré en métropole plusieurs centaines d’enfants abandonnés ou retirés à leurs parents. Ils étaient alors confiés à des familles ou à des institutions situées principalement dans le Massif central et le Sud-Ouest. Aucun voyage de retour n’était prévu. Ce transfert a été un échec : malgré quelques réussites individuelles, la grande majorité a souffert du déracinement, de la solitude, du racisme, du chômage. Quarante ans plus tard, des anciens pupilles ont intenté un procès retentissant à l’État, réclamant des centaines de milliers d’euros de dédommagement. Faut-il, comme eux, relier cet épisode aux pages les plus noires de l’histoire de France, l’esclavage et la déportation ? Ce transfert d’enfants incarnerait-il un néo-colonialisme qui n’ose pas dire son nom ? L’artisan de cette opération, Michel Debré, s’inquiétait de l’explosion démographique qui pesait sur l’île, mais il avait surtout l’ambition d’intégrer la Réunion à l’ensemble national et de transformer des petits créoles en Français comme les autres. C’est pourquoi il faut plutôt envisager cette inquiétante conclusion : la migration des pupilles réunionnais, avec la somme de souffrances qu’elle a engendrée, a été menée à bien parce qu’elle était conforme à l’idéal républicain.

Source : http://livre.fnac.com/a1990253/Ivan-Jablonka-Exil-d-enfants-transfert-de-pupilles-reunionnais-en-metropole#ficheResume

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 » En 1963, Michel Debré devient député de la Réunion. Pour éviter que l’île ne devienne indépendante comme l’Algérie un an plus tôt, il lance un ambitieux programme de développement: il fait distribuer du lait en poudre dans les écoles, organise un système de cantines gratuites, développe des infrastructures hospitalières, met l’accent sur la formation des jeunes, etc. Ce programme est financé par la solidarité nationale, puisque, depuis 1946, la Réunion est officiellement un département français.
Mais Debré, comme la plupart des élites politiques réunionnaises de l’époque, s’inquiète de la surpopulation, qui risque d’annuler tous ces efforts. Il met donc en place un programme de migration destiné à envoyer en métropole de jeunes adultes réunionnais. (…) En parallèle, Debré incite la DDASS de la Réunion à transférer en métropole des mineurs –orphelins, enfants abandonnés, enfants retirés à leur famille par décision de justice. Pour faire du chiffre, la DDASS envoie ses assistantes sociales en tournée dans l’île pour ramasser un maximum d’enfants. D’un côté, elle s’assure de la collaboration des juges; de l’autre, elle berne les parents en leur faisant croire que leur enfant va devenir avocat ou médecin. Elle immatricule à tout va, après quoi, elle a les mains libres pour envoyer les pupilles là où elle le souhaite. En tout, 1.600 enfants ont été expédiés dans une soixantaine de départements, notamment dans les zones rurales et vieillissantes du Massif central et du Sud-Ouest. En transférant une population depuis une île surpeuplée vers des départements désertés, Debré espère faire d’une pierre deux coups.(…)

Depuis la Révolution française, la pensée républicaine vise à régénérer l’enfant né ou élevé dans des conditions jugées anormales. Dès qu’une défaillance familiale est diagnostiquée, l’État disqualifie les parents et s’empare de l’enfant, considéré comme un être malléable: le but est alors de l’extraire de son milieu social et de le métamorphoser dans un environnement sain, avant de le replacer dans la société, remis à neuf, régénéré. Dans le cas des enfants réunionnais, l’administration considère qu’ils ne peuvent souffrir de leur déracinement, puisque leur destin sera préférable à celui que leur réservait leur milieu d’origine.(…)La migration réunionnaise s’est soldée par un désastre humain. En quelques semaines, les pupilles perdent leurs repères familiaux et culturels, sont exposés au froid, à la claustration, au racisme, à des violences dans certains cas. En raison de ce choc très brutal –surtout pour des bébés, des enfants et des adolescents–, la métropole se révèle un milieu particulièrement angoissant et hostile. Dès leur arrivée, les enfants veulent rentrer chez eux; mais le piège s’est refermé. Sur place, le suivi social est inexistant. De ce fait, les pupilles ont subi des carences affectives très graves; un certain nombre a sombré dans la dépression, l’alcoolisme, la délinquance, la clochardisation ou la folie. (…)

Pour éviter les malgames historiques abusifs : 
(…)Dans le cas de la migration britannique (vers l’Australie), on observe la même déculturation et la même catastrophe socio-éducative; mais les enfants ont également subi des violences physiques et sexuelles systématiques, notamment dans les établissements des Frères chrétiens –ce qui n’est pas le cas en France. La migration réunionnaise et la migration britannique ont toutes deux été réalisées avec des arrière-pensées impériales et sans aucun suivi socio-éducatif; elles relèvent de la maltraitance d’État.
Le cas de la «stolen generation», qui concerne les enfants aborigènes
(d’Australie), est différent: il s’agit d’une tentative de génocide, où le déplacement forcé des enfants va de pair avec des vols de terre et des meurtres. (…)

Source : http://observatoire2.blogs.liberation.fr/normes_sociales/2009/11/les-enfances-perdues-de-laustralie-et-de-la-r%C3%A9union-entretien-avec-ivan-jablonka.html

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Bibliographie :

Mathias Gardet, David Niget, Enfances (dé)placées. Migrations forcées et politiques de protection de la jeunesse, XIXe-XXe siècles

David NIGET, Enfances colonisées. Une histoire postcoloniale des migrations juvéniles, XIXe-XXe siècles

Joëlle DROUX, Migrants, apatrides, dénationalisés. Débats et projets transnationaux autour des nouvelles figures de l’enfance déplacée (1890-1940)

Ellen BOUCHER, Enfance et race dans l’Empire britannique. La politique d’émigration juvénile vers la Rhodésie du Sud

Sarah HEYNSSENS, Entre deux mondes. Le déplacement des enfants métis du Ruanda-Urundi colonial vers la Belgique

Yves DENÉCHÈRE, Les « rapatriements » en France des enfants eurasiens de l’ex-Indochine. Pratiques, débats, mémoires

Naomi PARRY, Stolen Childhoods. Reforming Aboriginal and Orphan Children through Removal and Labour in New South Wales (Australia), 1909-1917

Marie-Pierre BOUSQUET,  Êtres libres ou sauvages à civiliser ? L’éducation des jeunes Amérindiens dans les pensionnats indiens au Québec, des années 1950 à 1970

Marta CRAVERI, Anne-Marie LOSONCZY, Trajectoires d’enfances au goulag. Mémoires tardives de la déportation en URSS.

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Revue d’Histoire d’enfance « irrégulière (RHEI) N0 14 :
Ecole Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse
 » Enfances déplacées en situation coloniale »


Combien cela coûtera-t-il si on ne fait rien ?

11.04.13

La communauté internationale s’est donné les « Objectifs du Millénaire » pour aboutir en 2015 à réduire de moitié la proportion de la population mondiale qui souffre de la faim et dont le revenu individuel est de moins de 1 dollar par jour, pour garantir l’éducation primaire pour tous, réduire de deux tiers les mortalités maternelle et infantile,  mais aussi pour inverser la tendance à la déperdition des ressources environnementales.

La population mondiale des moins de 18 ans est estimée à 2,2 milliards d’individus, dont 1,2 milliard d’enfants de moins de 9 ans et un milliard de 10 à 18 ans.

Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement est la première cause de mortalité dans le monde.

Treize millions d’hectares de forêts naturelles sont annuellement détruits et convertis en terres agricoles, avec toutes les conséquences sur le cycle de l’eau, l’érosion des sols et la diversité biologique. Les changements climatiques modifient les rythmes et les conditions de la vie quotidienne, dans les domaines nutritionnels, médicaux ou éducatifs, surtout lorsqu’ils entraînent les déplacements de population et les migrations au niveau international.

La gravité et l’urgence de la situation sont globales alors que la volonté politique, les lois et règlements, ainsi que les moyens relèvent des Etats et résultent de leurs négociations. Mais la question est désormais posée de la légitimité d’un développement conçu selon le modèle occidental de croissance économique. Le concept traditionnel de croissance n’est plus considéré la seule forme de développement : les systèmes de pensée globale doivent s’adapter à l’urgence, à l’imprévisibilité et à la complexité de problèmes globaux qui ne peuvent être traités que par les apports respectifs des cultures et modes de vie de sociétés diverses, afin d’éviter la destruction progressive de l’environnement.

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A ces données objectives et à leurs conséquences prévisibles s’ajoutent des discours idéologiques selon lesquels seul « le marché » garantirait l’accès du plus grand nombre aux bienfaits du développement : dans cette optique, l’Etat constituerait un obstacle par incompétence et volonté de régulation, y compris au niveau international, par l’établissement des normes et conventions multilatérales contraignantes fondés sur des droits universels.

Les droits humains fondamentaux ne peuvent être effectivement garantis que si l’Etat dispose des moyens de réguler et contrôler leur application. Ce sont les droits imprescriptibles de tous les enfants d’une communauté : ils ne peuvent en aucun cas être programmés et gérés sur la seule base des capacités financières des familles. L’UNICEF a toujours considéré les frais d’inscription et le coût de la scolarisation des enfants comme une forme inacceptable d’ « impôt sur le développement »  pour leurs familles. L’idée répandue que l’instruction et la santé doivent être gérés sur le principe « utilisateurs-payeurs » (ou encore « faire des études est un enrichissement qu’il faut payer ») est évidemment contradictoire avec l’exigence d’universalité et de qualité de l’éducation et de la santé de base.

–  l’Etat porte la responsabilité de l’intérêt collectif quant aux nécessaires investissements à long terme, tandis que le marché est, par définition, la recherche la plus rapide du profit à court terme. Soumis aux fluctuations de la Bourse et de la rentabilité la plus rapide, il ne gère la rareté qu’au bénéfice d’une minorité disposant de moyens, et au prix d’une explosion des inégalités. Le secteur privé, comme les acteurs de la société civile (non-étatique) ont un rôle vital dans la mise en œuvre de ces droits : mais l’Etat en est le garant et le seul redevable devant sa propre population et devant les instances internationales de suivi.

– si la nature est une richesse, elle n’est pas une marchandise : on ne peut monétiser et commercialiser que ce qui est produit par des investissements et du travail humain, à partir des ressources naturelles. Pour quels intérêts faudrait-il commercialiser l’air respirable ? Si les ressources naturelles sont commercialisables, quelle gouvernance mondiale en fixerait et contrôlerait les règles de concurrence ?

Conseil des Ministres des Iles Maldives … sous l’eau
(Octobre 2009)

– la notion de « biens publics » doit sanctuariser certains investissements et services (éducation, eau, santé, etc) dans le sens de cette définition : « un bien public est un type particulier de consommation correspondant au cas où la disponibilité d’un bien pour un individu n’exclut pas sa disponibilité pour d’autres (non-rivalité) et où le fournisseur du bien ne peut empêcher personne de le consommer. »

– il faut en appeler à la responsabilité individuelle des citoyens informés : « La transition écologique ne peut se faire qu’au prix d’une modification de nos habitudes, vers un mode de vie plus sobre et moins dispendieux.”

– au lieu de se demander sans cesse « Combien cela coûte-il ? » (et toujours répondre que cela coûte trop cher), la question serait aussi immédiatement légitime : « Combien cela coûtera-t-il si on ne fait rien ? ». Les bénéfices d’une meilleure prévention en santé publique et d’une amélioration du système éducatif pour l’ensemble de la population sont profitables à toute la société, y compris pour l’adaptation de son économie à un environnement international de plus en plus concurrentiel et globalisé.


Contre la peine de mort applicable aux mineurs

11.04.13

Communiqué d’Amnesty International (18 janvier 2013)

« L’exécution en Iran, le 16 janvier, d’un jeune homme de 21 ans, condamné pour un crime qu’il aurait commis alors qu’il était encore mineur, témoigne d’un mépris affligeant pour le droit international.
D’après l’agence de presse officielle Mehr, Ali (Kianoush) Naderi a été exécuté dans la prison de Rajai Shahr à Karaj, dans le nord-ouest de Téhéran, mercredi 16 janvier.
Il avait été condamné à mort pour son rôle présumé dans le meurtre d’une femme âgée au cours d’un cambriolage, il y a plus de quatre ans – alors qu’il n’avait semble-t-il que 17 ans.
Les personnes âgées de moins de 18 ans au moment du crime qui leur est reproché sont considérées comme des enfants au regard du droit international, qui interdit strictement leur exécution. »

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 Communiqué de Défense des Enfants International (DEI)

 » DEI condamne fermement la mise à mort par peloton d’exécution de sept adolescents en Arabie Saoudite le 13 mars 2013, ainsi que celle d’un adolescent au Yémen le 9 mars 2013, pour des crimes qu’ils ont commis lorsqu’ils étaient encore mineurs. DEI regrette profondément que les appels téléphoniques fréquents et la pression d’organisations internationales et locales de la Société civile et des Nations unies, pour empêcher les condamnations à mort n’aient pas été pris en compte.

Défense des Enfants International – Yémen (DEI-Yémen/École de la démocratie) et le Parlement des enfants ont informé DEI que, en ce moment, vingt (20) mineurs sont condamnés à la peine de mort en attente de leur exécution au Yémen. »

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Considérant qu’un mineur se définit par la capacité relative de discerner, de s’exprimer et de se défendre, les normes internationales de la Justice pour mineurs, largement ratifiées par la plupart des pays du monde interdisent la peine capitale pour les mineurs (au moment de l’infraction), quelle que soit la gravité de leurs crimes. Aucune pratique coutumière, à justification religieuse ou non, ne prévaut sur les conventions et instruments internationaux ratifiés par les Etats : la peine de mort appliquée aux mineurs est une forfaiture (« crime commis par un magistrat »).

Les exécutions de dizaines de mineurs en attente d’exécution, sont donc illégales et doivent, à ce titre, être dénoncées.

Article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant : « Les Etats parties veillent à ce que : a) Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans. »

Dans les pays qui continuent d’exécuter des mineurs en public, l’Iran l’Arabie Saoudite et le Yemen, il faut exiger la suspension systématique des exécutions capitales de mineurs et la commutation de leur peine, non pas seulement en termes de faveur humanitaire, mais en attendant que, dans les pays concernés, la loi prévoit l’abolition définitive de l’exécution capitale.

Lorsqu’il y a doute sur l’âge réel du mineur condamné (ce qui est parfois le prétexte pour passer à l’exécution), le doute doit – évidemment – bénéficier au condamné, étant entendu que même s’il est majeur, la peine de mort reste un scandale universel, dont on apprend toujours que sa pratique (et sa justification coutumière ou religieuse) ne sont que les prétextes d’un enjeu politicien pour la conquête du pouvoir. Une foule nombreuse s’était rassemblée pour assister à la pendaison de l’adolescent, et les forces de sécurité ont été déployées pour “s’assurer que la sentence a été exécutée en douceur“ (sic) – Agence de Presse officielle iranienne IRNA – 21 septembre 2011.

Dans les pays où la peine capitale,  y compris pour les mineurs, est encore prévue par le Code Pénal, mais n’est plus appliquée, il faut renforcer toutes les coalitions utiles de la société civile pour en exiger l’abolition définitive, ainsi que de la peine d’emprisonnement à vie pour les mineurs. 
Il faut ajouter que l’enrôlement  de mineurs pour servir de kamikazes dans des attentats terroristes doit être considéré comme une forme d’exécution capitale de mineurs par des adultes – quels que soient les motifs coutumiers ou religieux invoqués pour manipuler les mineurs.

La Justice est un des chemins vers l’humanité,
et non pas l’inverse.


Les droits de l’enfant … contre ses parents ?

20.03.13
Aucun élément ni aucune clause de la Convention relative aux Droits de l’enfant ne mentionne, ni peut être interprétée dans le sens d’une remise en cause de l’autorité parentale, sauf violence, maltraitance ou négligence graves qui incite la justice au retrait de cette autorité parentale.

Hormis le cas de renoncement d’un parent à l’exercice de l’autorité parentale par abandon d’enfant, seul l’Etat dispose de la possibilité légale de prononcer la déchéance de l’autorité parentale. Dans la plupart des pays, le retrait partiel ou total de l’autorité parentale sur leur enfant mineur est un acte rare et toujours décidé par un juge, et jamais par une simple autorité administrative (qui peut cependant la demander ou la proposer à un juge).

Dans plusieurs pays, l’autorité parentale s’est substituée à la « puissance paternelle » et signifie l’égalité des droits et devoirs du père et de la mère jusqu’à la majorité (ou l’émancipation de l’enfant) dans la protection et l’éducation des enfants.

Il faut rappeler ici ce que comporte la notion d’autorité parentale : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.(…)( Loi n°2002-305 du 4 mars 2002-France).

Exemples de malentendus et de controverses à propos de la Convention relative aux droits de l’enfant :

– La Convention contraint chaque Etat à respecter et faire respecter la liberté de croyance et de pratique religieuse. Rien n’interdit aux parents d’élever leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.  (Articles 14.1 et 14.2 :  » 1. Les Etats parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. 2. Les Etats parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités. »)


La Convention édicte que les gouvernements ont pour rôle de soutenir les parents dans leur mission d’éducation, en veillant au respect du droit de l’enfant à l’éducation et à la protection lorsque les parents sont défaillants.
Article 18.1 et 2 :  » 1. Les Etats parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant. 2. Pour garantir et promouvoir les droits énoncés dans la présente Convention, les Etats parties accordent l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant et assurent la mise en place d’institutions, d’établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants. »

– La Convention n’interdit pas aux parents d’impliquer leurs enfants dans le travail domestique ou dans l’activité familiale. Mais ces activités doivent être adaptées aux capacités et à la maturité de l’enfant, et les droits à la sécurité, à l’éducation, et à la santé doivent être respectés. A ces conditions, toute activité peut être une forme d’apprentissage de la responsabilité. (Articles 32,1  : « 1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. » –  Article 31.1 : « 1. Les Etats parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique.)

–  La responsabilité morale et légale des parents reste entière dans le cadre de la liberté  des enfants de s’associer et de se réunir, en utilisant cette opportunité éducative pour en mesurer avec eux les avantages, inconvénients et risques. (Article 15.1,2 :  » 1. Les Etats parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique. – 2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. »).


–  La Convention prévoit le droit de l’enfant au respect de sa vie privée, selon son âge et sa maturité : journaux intimes, correspondances, courriers de toutes sortes, etc… Les parents doivent cependant dialoguer avec leurs enfants, et les guider, sur les méthodes utilisées. (Article 16,1 et 2 :  » 1. Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »)