Le Mont-Saint-Michel, témoignage d’une humanité millénaire

Dans un célèbre chapitre de ses « Propos sur l’esthétique« (p.10 et 11), le philosophe Alain établissait un parallèle entre d’une part le temple grec, défi à la pesanteur et à la mort, mais aussi symbole d’éternité, et d’autre part la pyramide égyptienne épousant au contraire la forme naturelle que prend un tas de pierres par simple pesanteur, mais tout autant symbole d’éternité puisqu’abritant les tombes des Pharaons.

Alain aurait pu construire son raisonnement dans la baie du Mont-Saint-Michel, port d’attache de l’« Abrincate ».

Existe-t-il au monde un symbole plus complet et plus riche de la densité de la destinée humaine à la dimension de l’Histoire ?

Y a-t-il un défi plus puissant à la pesanteur et au dépérissement du temps qu’une architecture construite sur la durée d’un millénaire et dont le rocher naturel s’élève à 90 mètres, tandis que la flèche de la statue de St Michel culmine à 180 mètres, c’està dire le double ?

Y a-t-il symbole plus fort de l’acquiescement aux forces naturelles de la pesanteur que cette forme de pyramide, d’autant plus qu’elle est en partie involontaire ? La quasi-perfection de la forme pyramidale, sur un rocher cônique dont elle est le prolongement, est aussi due aux éboulements, aux effondrements, aux incendies et aux chantiers jamais achevés…

Y a-t-il gageure plus exigeante que de construire sur un rocher encerclé deux fois par jour par une marée implacable – qui s’est pourtant révélée l’outil indispensable pour apporter les rochers des Iles Chausey, afin de les tailler puis de les hisser au sommet du chantier ? Pas d’hélicoptères à l’époque…

Y a-t-il témoignage concret plus tenace de l’enracinement de centaines de générations successives dans l’espérance d’une forme d’éternité, au travers des guerres, des échecs et des souffrances individuelles et collectives ? Y a-t-il démonstration plus évidente que l’humanité est d’abord constituée de plaques tectoniques et que l’Histoire est un jeu de rôles en surface ?

Y a-t-il un lieu plus emblématique de la résistance à l’invasion étrangère ? Pendant la Guerre de Cent Ans, les Anglais n’ont jamais pu envahir le Mont, tandis que le rocher de Tombelaine, à proximité immédiate, leur servait de camp de base et que les marées étaient l’occasion quasi-quotidienne de déferler ? On soupçonne d’ailleurs les auteurs d’Astérix de s’être inspirés de cette anecdote pour créer le village imprenable d’Obélix… Regardez-bien où se situe la loupe qui indique l’emplacement approximatif du village sur la carte de la Gaule… A quelques kilomètres du Mont, le village actuel de Beauvoir s’appelait Astériac à l’époque romaine…

Y a-t-il preuve plus flamboyante de la plus grande solitude humaine d’un moine dans le cloître, suspendu au-dessus des flots, côté nord de l’Abbaye, et de la solidiarité avec la communauté humaine dans l’accueil des milliers de pélerins qui arrivaient côté sud – et aujourd’hui de touristes qui affluent par millions ? « Seul ce qui oppose résistance peut offrir appui », dit le proverbe.

Y a-t-il livre d’architecture plus complet que la visite de l’Abbaye où, en moins de deux heures, on passe des grottes d’avant l’an Mille au néo-gothique du 19 ème siècle, de l’église carolingienne à la flèche de la statue de St Michel, en passant par les premiers essais maladroits de l’art roman, tandis que le choeur de l’Abbatiale, de style gothique flamboyant, a remplacé le choeur roman, cinquante ans après l’effondrement de celui-ci ? Mais comment s’appelait donc ce Prieur de l’Abbaye qui a vu, pendant son « mandat », onze incendies de l’Abbaye, dont la plupart dûs à la foudre ?

Y a-t-il symbole plus puissant d’une harmonie conquise sur les forces de la nature, sur les démons intérieurs de l’humanité et sur les aléas de l’Histoire, pour aboutir à ce sentiment d’une sorte de nécessité, jusque dans ses imperfections ?

« On ne commande à la nature qu’en lui obéissant », disait le philosophe.

Y a-t-il signe plus éclatant que, sur plus d’un millénaire, l’humanité peut enrichir et compléter la nature et non l’ignorer ou la détruire, tout en y imprimant la marque de son destin ?

Il n’y avait pas d’écologistes en l’An Mille. Parce qu’il n’y en avait pas besoin.

4 Responses to Le Mont-Saint-Michel, témoignage d’une humanité millénaire

  1. Astico dit :

    ABER c’est estuaire en Gaelic. Du coup les « gens des abers » – Abrincatui – ont toute leur signification en ces lieux benis qui voient se réunir les 3 rivières: la Sélune,la Sée et le Couesnon.

    Les Abrincates (« gens des abers », nommés Abrincatui par Pline l’Ancien) sont un peuple gaulois. Ils ont donné leur nom à Avranches, qu’ils sont supposés avoir bâti. Au IXe siècle avant Jésus-Christ, les Abrincates occupent Avranches, ville prospère de l’époque, qui suite à l’invasion des Romains va changer de statut et se développer.

    Récupérée de « http://fr.wikipedia.org/wiki/Abrincates »

  2. J’ai toujours été fasciné par le Mont Saint-Michel, merveilleuse illustration à mes yeux de cette formule : ce qui est beau, c’est ce qui dur longtemps.

  3. pygrre35 dit :

    Taranis Ö archéoastronomie gauloise Ö étymologie arithmologie astronomie toponymie Ö protohistoire Ä legedia du verbale astro géométrie autour du triskel spirale de Taranis sur les gens-Ö-abers Ö triskel astro de taranis de Tombelaine Ä legedia Ö merlin-l’enchanteur don-quixote du triskell Ö moulin Ö mots archéo Ö labyrinthe solstice équinoxe solstice mont-joie contemporain de taranis saros Ö obélisque de tanis géométrie taranis astro l’ Armorique mascaret précession arithmologie D_M_F Ä la quantologie ö MtStMichel

  4. Perséphone dit :

    Bonjour ! Est-ce que c’est possible qu’on visionne l’image du Mont St Michel que vous avez comme tumbnail en grand? C’est la plus belle prise de vue que j’ai jamais vu du Mont St Michel !

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