Enfants exploités par le travail

26.08.16

Extrait  de « HUGO Orateur »  (anthologie par Myriam Roman), Collection Folioplus Classique, page 21 :

Victor HUGO s’adresse en ces termes à ses collègues de l’Assemblée Nationale française en juin 1847 :

(…)
« Remarquez ceci :
  Vous faites des lois sur quoi et sur qui que ce soit, homme ou femme. Les réclamations s’élèvent, la lumière vous arrive de toutes parts. Sur le clergé ? les évêques prennent la parole. Sur l’université ? vos collèges sont en rumeur. Sur la classe ouvrière ? elle s’agite. Sur le commerce ? il pétitionne. Sur les médecins ? ils se plaignent. Vous faites des lois sur les enfants ? ils se taisent.

  Ils se taisent. Pourquoi ? parce qu’ils ignorent. Qu’y a-t-il de plus grave et de plus touchant ! Ils ignorent. Ils ne se doutent pas que vous vous occcupez d’eux; ils ne savent même pas ce que vous leur faites. Ne sentez-vous pas que cela vous saisit au plus profond et au plus intime de la conscience ?
  Ils se taisent. Et que de choses ils auraient à dire s’ils pouvaient parler ! Ils vous peindraient leur destinée, leur labeur, leurs fatigues avant et après le travail, la privation de soins, d’enseignement, de repos, de sommeil; ils vous diraient que lorsqu’il s’agit de les accabler de travail, la pauvreté dans la famille parle le même langage exigeant que la cupidité dans le maître. Ils vous diraient que pour eux le travail, qui devrait être un éducateur, n’est qu’une dégradation et un abrutissement. Ils vous diraient tout ce qu’ils souffrent, eux, messieurs, qui sont devant le législateur les seuls à être absolument ignorants et absolument innocents.
   Ah ! messieurs, ayez pitié d’eux ; à tous les accablements de la destinée, de la faiblese, de la misère, n’ajoutez pas ce dernier accablement, la dureté de la loi. Vous ajoutez quelques aunes (à la) richesse publique. Mais vous ôtez des âmes à Dieu, des intelligences à la civilisation, des citoyens à l’Etat. »

Amérique Latine et caraïbes : 12.5 millions d’enfants  au travail
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Rob Lawrie : quelles leçons apprises ?

24.01.16

Nul ne doute, sur le plan humain, de la sincérité ni de la légitimité du geste de l’ancien militaire britannique Rob Lawrie, qui a cédé à la pression d’un père afghan, réfugié près de Calais, qui le suppliait d’emmener sa fille chez d’autres membres de sa famille déjà installés à proximité de son domicile en Angleterre.

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Mais certaines réactions publiques de différentes personnalités – tout aussi honorables – nous amènent cependant à une certaine prudence : dans le passé, plusieurs situations d’urgence humanitaire dramatique ont aussi été l’occasion de gestes spontanés  de sauvetages d’enfants, soit par des personnes à titre individuel, soit par des associations, y compris des ONG.

On rappellera l’avion de l’épouse d’un ancien président italien qui avait convoyé, en 1994, après le génocide, une bonne centaine d’enfants du Rwanda pour adoption en Italie.
Ou encore l’opération-commando, en 2004, d’un groupe de religieux américains qui avaient emmené une trentaine d’enfants que leurs parents suppliaient de les évacuer de Haîti « pour leur donner un avenir« , après le tremblement de terre. Ces religieux  ont été arrêté à l’aéroport de Port-au-Prince pour « enlèvement d’enfants ».

Mais la question fondamentale posée reste la suivante : comment peut-on concilier le secours immédiat d’un être humain en détresse, et éviter ainsi la « non-assistance à personne en danger »  avec la célérité nécessaire, sans pour autant être poursuivi pour enlèvement, voire trafic d’enfants ?

C’est là que des décennies d’expérience de l’action humanitaire nous permettent de penser ceci :
La France est le pays d’origine de quantité d’ONG humanitaires capables de répondre à des situations d’urgence de réfugiés dans le monde entier et dans les 48 heures… avec les compétences et les moyens appropriés, et en se coordonnant en bonne intelligence.

A Calais et alentour, de milliers de réfugiés pataugent nuit et jour dans la boue avec des centaines d’enfants depuis des mois, en plein hiver…
Alors que ces mêmes gouvernements subventionnent des centaines d’ONG pour des actions humanitaires d’ugences au-delà de 5 000 kms, on découvre avec effarement qu’il est impossible d’organiser un camp de 2 500 personnes à Calais.
Plusieurs ONG font ce qu’elles peuvent, et même si le gouvernement vient de faire installer des appartements-containers pour 250 familles… on a l’impression – minable – après plusieurs mois, qu’il est beaucoup plus simple de coordonner une action conjointe Gouvernement-ONG (parfois même avec l’aide logistique de l’armée) à plus de 5 000 kms que sur territoire français, à 300 kms de Paris …
«  Orbi « , oui peut-être, mais sûrement pas  » urbi « …

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Quant au destin des enfants, dans le cas précis, cette fillette a de la famille en Angleterre : il eût été élémentaire d’imaginer que des procédures juridiquement acceptables, sinon totalement légales, puissent être facilitées pour des regroupememts familiaux de ce type, y compris avec le père.

Pourquoi les enfants n’auraient-ils pas le droit au regroupement familial avec leurs parents ? Parce que les enfants n’ont pas les moyens de protester, ni de se plaindre sur BFM-TV ?
Cela sert à quoi d’avoir en permanence le discours, à longueur de buzz médiatiques, sur l » intérêt supérieur de l’enfant « , si on n’est pas fichu de résoudre un cas comme celui de cette fillette ? L’acte individuel de Rob Lawrie est respectable – d’autant qu’il a reconnu de lui-même avoir commis une erreur : il a eu le mérite d’attirer l’attention publique sur ce type de situation : rien que pour cela, il doit être remercié.

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Ce qui précède n’est-il qu’une perspective humanitaire, une surenchère juridique de plus provenant d’ONG militantes irresponsables ?
Non, il suffit de lire le jugement d’un tribunal britannique dont « Le Monde  » du 22 janvier (page 3) :

 » La décision rendue mercredi 20 janvier par le tribunal de l’immigration et de l’asile de Londres pourrait faire jurisprudence. (…) Le jugement, qui allègue le non-fonctionnement des règles européennes sur l’asile, pourrait accroître la pression sur la frontière.(…) Le tribunal était saisi par quatre jeunes demandeurs d’asile syrien (dont 3 mineurs), dont deux souffraient de stress post-traumatiques. Mettant en avant les « intolérables » conditions de vie dans le camp de fortune de Calais et la présence de membres de leurs familles au Royaume-Uni, leur avocat a obtenu un jugement ordonnant leur droit immédiat à être admis sur le sol britannique pour y formuler une demande d’asile auprès du Home Office. La décision s’appuie sur l’article de la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 8 protège le droit de toute personne au respect de « sa vie privée et familiale. »(…) Les juges ont estimé qu’un document écrit montrant qu’ils avaient effectivement demandé l’asile en France suffisait à prouver leur demande de protection. « 

Autrement dit, la Convention de Dublin permettait de justifier le refus du Royaume-Uni parce que la première demande d’asile avait été déposée en France… Les juges ont estimé que la demande de protection n’était donc pas honorée par la France et qu’il fallait donc admettre leur arrivée dans leur famille déjà présente Outre-Manche…

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PS : Pour être complet, on pourrait ajouter, à l’adresse du tribunal britannique, qu’il aurait pu aussi faire valoir la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par le Royaume-Uni stipule, en ce qui concerne les mineurs, dans son Article 22

1. Les Etats parties prennent les mesures appropriées pour qu’un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui est considéré comme réfugié en vertu des règles et procédures du droit international ou national applicable, qu’il soit seul ou accompagné de ses père et mère ou de toute autre personne, bénéficie de la protection et de l’assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits Etats sont parties.

2. A cette fin, les Etats parties collaborent, selon qu’ils le jugent nécessaire, à tous les efforts faits par l’Organisation des Nations Unies et les autres organisations intergouvernementales ou non gouvernementales compétentes collaborant avec l’Organisation des Nations Unies pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation et pour rechercher les père et mère ou autres membres de la famille de tout enfant réfugié en vue d’obtenir les renseignements nécessaires pour le réunir à sa famille. Lorsque ni le père, ni la mère, ni aucun autre membre de la famille ne peut être retrouvé, l’enfant se voit accorder, selon les principes énoncés dans la présente Convention, la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit. »


Eléments d’histoire des  » droits de l’enfant « 

12.04.13

(…) Dans l’Antiquité, l’enfant est défini négativement, ou si l’on préfère, « en creux » : infans signifie celui qui ne parle pas, ou encore faisant partie, comme le dit Aristote de ces « êtres dépourvus de raison » (Ethique à Nicomaque, EN, III, 4, 1111 b 10). Le droit de vie ou de mort du père sur l’enfant est considéré comme naturel, mais l’enfant est valorisé sous l’angle de la pérennité de la lignée et de la transmission des biens d’une génération à l’autre. Mais ce sont aussi des sociétés où la mortalité infantile est très forte : et les enfants qui survivent doivent souvent, dès l’âge de la marche et l’usage de la parole, contribuer aux activités et travaux de sa famille.

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                Au Moyen-Âge, l’enfant demeure un être sans personnalité propre, qui dépend complètement à la famille, tout en travaillant dans l’agriculture ou au domicile familial. Les rares enfants scolarisés le sont dans le cadre de l’éducation religieuse chrétienne.

                A partir de la Renaissance et jusqu’au 18 ème siècle, l’enfant fait progressivement l’objet d’une réflexion pédagogique spécifique. Dans l’univers culturel francophone, Rabelais, Montaigne, et surtout Jean-Jacques Rousseau promeuvent l’idée d’une éducation humaniste, détachée de l’éducation strictement religieuse et centrée sur le développement des potentialités de l’enfant, en considérant les différences entre filles et garçons, et selon une perception plus positive de leur identité et de leur place dans la société : l’enfant est un être humain à part entière et non plus un adulte en miniature qui serait « dans la salle d’attente de l’humanité »

                « Tout ce que nous n’avons pas à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l’éducation. Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes ou des choses. Le développement interne de nos facultés et de nos organes est l’éducation de la nature ; l’usage qu’on nous apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes ; et l’acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses. » Jean-Jacques ROUSSEAU – (Emile ou de l’éducation. Paris, Garnier, 1966, p. 37)

                « Ayant plutost envie d’en tirer un habil’ homme qu’un homme sçavant, je voudrois aussi qu’on fut soigneux de luy choisir un conducteur qui eust plutost la teste bien faicte que bien pleine ».
MONTAIGNE « De l’institution des enfans » I, 26, p. 149.

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Les droits de l’enfant commencent par le droit à l’éducation

Dans le domaine du droit à l’éducation, l’évolution de la conception de l’enfance peut être étudiée dans l’histoire de chaque pays. Le cas de la France mérite attention, non par une quelconque prééminence au niveau international, mais parce que les étapes successives depuis la Révolution Française ont eu une influence historique relative sur les mentalités et sur les lois des pays francophones.

En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pendant la Révolution française, prolonge les Cahiers de doléances du Tiers-Etat, lesquels demandent un plan d’éducation pour toutes les classes de la société, et la création d’établissements pour les enfants abandonnés et vagabonds.
Cahier de « Paris-hors-les-murs » :  » Les écoles manquent partout… Depuis longtemps, nous désirons un maître d’école pour l’instruction d’une jeunesse qui croupit dans l’ignorance… Les députés demanderont l’exécution de l’édit de 1695 relativement à l’établissement de maîtres d’école dans les campagnes. »
http://www.gauchemip.org/spip.php?article2843
Le village de St-Lumine-de-Coutais précise qu’il veut « faire admettre dans les collèges militaires, les communautés fondées par (le Roi), un nombre d’enfants du Tiers-État des deux sexes, égal à celui de la noblesse, qui sera fixé en fonction de la population de chaque évêché» (Art. 17).
http://museepaysderetz.free.fr/1789-1989_06.html
Les gens du Tiers Etat  souhaitent l’équité dans accès aux carrières pour eux et leurs enfants. Il a aussi été rédigé un « Cahier de doléances des enfants » (avril 1789) :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1989_num_278_1_1284

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En 1792, CONDORCET présente un plan d’instruction publique pour lutter contre  l’exploitation des enfants par le travail. Préambule du discours de Condorcet, député de Paris, à l’Assemblée Nationale législative, le 2 avril 1792 :

« Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs ; Assurer à chacun d’eux la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi : tel doit être le premier but d’une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice.(…) Tel doit être l’objet de l’instruction ; et c’est pour la puissance publique un devoir imposé par l’intérêt commun de la société, par celui de l’humanité entière. »
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ducation_populaire

« On enseigne dans les écoles primaires ce qui est nécessaire à chaque individu pour se conduire lui-même et jouir de la plénitude de ses droits. Toute collection de maisons renfermant quatre cents habitants aura une école et un maître. On enseignera dans ces écoles à lire, à écrire, ce qui suppose nécessairement quelques notions grammaticales ; on y joindra les règles de l’arithmétique, des méthodes simples de mesurer exactement un terrain, de toiser un édifice ;(…) On y développera les principes et les règles de la morale avec plus d’étendue, ainsi que cette partie des lois nationales dont l’ignorance empêcherait un citoyen de connaître ses droits et de les exercer.

« Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commandes seraient d’utiles vérités ; le genre humain n’en resterait pas moins partagé entre deux classes : celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient. Celle des maîtres et celle des esclaves. (…) « L’instruction permet d’établir une égalité de fait et de rendre l’égalité politique reconnue par la loi ».
Rapport sur l’organisation générale de l’Instruction publique présenté à l’Assemblée nationale législative au nom du Comité d’Instruction publique les 20 et 21 avril 1792 par Condorcet : http://wikiwix.com/cache/?url=http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=2424&title=Voir%20extraits%20en%20ligne

A une époque où les discours se multiplient dans le sens d’une conception de l’éducation orientée sur le futur rôle de producteur et de consommateur des enfants d’aujourd’hui, il n’est pas inutile de rappeler avec quels arguments les initiateurs d’une école primaire, publique et obligatoire ont fondé le système éducatif il y a un peu plus de deux siècles.

En 1793, la Constitution de l’An I de la République prévoit le droit à l’instruction et à l’assistance, tandis que le Code Civil affirme les devoirs des parents envers les enfants : « Surveillance et Protection » :
– une loi du 2/11/1793 qui assimile les enfants naturels et légitimes, mais distingue entre les enfants naturels simples et les enfants naturels adultérins ou incestueux.
– une loi de janvier 1794 qui institue l’égalité entre enfants en matière d’héritage.
– que l’adoption n’est permise qu’à titre exceptionnel : l’adoptant doit avoir au moins 50 ans et ne pas avoir d’enfants, l’adopté doit être majeur (en dessous de 25 ans, il faut l’autorisation de ses parents naturels) et il faut au moins 15 ans d’écart entre l’adopté et l’adoptant.
En 1795, la loi Lakanal institue une école primaire publique pour 1 000 habitants.

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Au XIX ème siècle, l’industrialisation favorise l’émergence progressive de la « famille nucléaire » (parents et enfants « directs »), alors que dans la société rurale traditionnelle, la famille vivait de manière élargie. Mais ce développement économique conduit parallèlement à considérer l’enfant comme force de travail dans les filatures, manufactures et dans les mines dans et autour des grandes villes.

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En 1813, un décret interdit de faire descendre dans les mines des enfants de moins de 10 ans. En 1833, la loi Guizot instaure une « école supérieure » (collège) pour 6 000 habitants.
En 1850, puis 1867, la loi Falloux oblige d’ouvrir une école de filles dans les communes de plus de 500 habitants.
En 1874, la loi réduit la durée du travail des femmes et des enfants et interdit l’embauche d’enfants de moins de 12 ans. La journée de travail des enfants de 10/12 ans ne peut dépasser 6 heures et 12 heures pour les enfants de plus de 12 ans.

 En 1882, la loi Ferry organise l’enseignement primaire obligatoire, laïc et gratuit pour tous les enfants de 6 à 13 ans :


Art. 4. – L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie. Un règlement déterminera les moyens d’assurer l’instruction primaire aux enfants sourds-muets et aux aveugles. (…)
Article 15 : (La commission scolaire)  « peut aussi
(…), dispenser les enfants employés dans l’industrie, et arrivés à l’âge de l’apprentissage, d’une des deux classes de la journée ; la même facilité sera accordée à tous les enfants employés hors de leur famille dans l’agriculture. »

En 1898, la nécessité s’accentue de protéger l’enfant de la violence non seulement dans l’univers de la production industrielle, mais aussi dans sa communauté de vie quotidienne, que ce soit à l’école ou dans sa famille. Une loi est adoptée qui affiche « La répression des violences, voies de faits, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants » : « La loi de 1898 soutenue par René Bérenger, souligne le lien entre l’enfant coupable et l’enfant victime. Dans le livre qu’il a consacré à l’histoire de la conceptualisation de la déviance juvénile, Jean-Marie Renouard note “ l’utilisation de la déviance du second pour pointer celle de sa famille. En passant du coupable à l’enfant victime, on passe de la responsabilité individuelle à la responsabilité familiale. On déculpabilise en partie l’enfant pour mieux culpabiliser totalement sa famille.(…)  http://rhei.revues.org/index31.html  

Mais ces progrès ne sont pas allés sans débats ni controverses : à Adolphe Thiers qui prétendait en 1848 : « Lire, écrire et compter, voilà ce qu’il faut apprendre, quant au reste, tout cela est superflu.(…) Folie bien plus funeste encore, celle qui consisterait à rendre ce même enseignement obligatoire.(…) L’enfant qui a trop suivi l’école ne veut plus tenir la charrue.(…), Victor Hugo répondit : « Le droit de l’enfant, c’est d’être un homme : ce qui fait l’homme, c’est la lumière ; ce qui fait la lumière c’est l’instruction. Donc le droit de l’enfant,  c’est l’instruction gratuite obligatoire. »Choses vues »)

L’Etat impose donc progressivement l’obligation scolaire, ce qui contribue à diminuer l’exploitation des enfants par le travail dès leur plus jeune âge, et la répression des violences infligées aux enfants y compris au sein de leur propre famille. Dans les deux cas, la toute-puissance paternelle est désormais encadrée, mais en aucun cas, l’Etat ne remet en question la notion d’autorité parentale qui reste entière : il s’appuie toujours principalement sur les familles et sur l’autorité parentale pour protéger les enfants.

Au XX ème siècle, la situation de l’enfance se caractérise sous quatre aspects :

1 – L’urbanisation contraint beaucoup de parents à travailler séparément pour subvenir aux besoins de la famille. Il n’y a plus en ville le même degré de satisfaction des besoins en nature (jardin potager, bétail, etc.) ni les mêmes liens communautaires (cohabitation des générations) que dans le milieu rural ancestral. Progressivement, on constate une augmentation relative du pourcentage d’éclatement de familles (séparations, divorces, etc…)

2 – La reprise de la natalité après la seconde guerre mondiale, dans un contexte de croissance économique des « Trente glorieuses », s’accompagne de l’ouverture progressive à la notion de psychologie de l’enfant et de ses besoins spécifiques. Ce qui contraste avec la perception de l’enfance à tendance misérabiliste au 19 ème siècle : de nombreux écrivains décrivent l’enfance malheureuse (« Sans familles » d’Hector Malot, « David Copperfield » de Charles Dickens, ou dans « Les Misérables » de Victor Hugo, etc… jusqu’à Gilbert Cesbron, dans les années 1950, « Chiens perdus sans colliers »). Cette prise de conscience des besoins spécifiques de l’enfant va de pair avec l’idée qu’un enfant n’est la propriété discrétionnaire de personne, ni de sa famille, ni de l’école, ni de l’Etat, qui ont des obligations et des devoirs vis-à-vis de lui.

3 – Le développement des media a fait prendre conscience des conséquences sur l’enfance des drames vécus, à travers le monde entier, dans les conflits ou dans les situations de calamités naturelles. Cette médiatisation accompagne le développement de l’idée d’adoption internationale, en rupture radicale avec les pratiques et les perceptions propres à l’adoption traditionnelle dans les sociétés et les siècles précédents.

4 – La diminution relative de la mortalité infantile dans le tiers monde va de pair avec la diminution relative de la natalité dans les pays développés. Dans beaucoup de pays en voie de développement, la forte proportion de moins de 18 ans incite les familles à contraindre leurs enfants au travail (au détriment de leur scolarité) ce qui entraîne sur le marché du travail une tendance croissante à l’exploitation des enfants par le travail forcé, agricole, domestique ou industriel, ainsi qu’au marché lucratif de toutes formes de migrations, motivées, dans les pays d’origine, par le désir de survivre et d’offrir aux enfants une vie meilleure, et dans les pays d’accueil, par de multiples formes d’exploitation ou par les demandes d’adoption internationale. Parallèlement, dans certains pays développés, où l’enfant est une « denrée rare », les possibilités de reproduction assistée, le génie génétique, la possibilité d’ « accoucher sous X », de faire recours à des « mères porteuses » posent de nouvelles questions éthiques, par exemple face au droit de l’enfant à connaître ses origines.

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Réflexions contemporaines…

« L’enfant contemporain est (…) en multipropriété. Produit dans et pour le couple, il est aussi enfant public, protégé par un corps de lois. Mais de plus en plus, il s’appartient à lui-même, exprime ses choix et ses droits. (…) Avec les recompositions familiales et les techniques de reproduction assistée, la société occidentale est mise en demeure de repenser le tout-biologique de la filiation. »
A quoi s’ajoute la demande « des homosexuels de devenir pères et mères, face aux possibilités ouvertes par l’assistance à la procréation médicale et la gestation pour autrui »
(…)  – « Enfant d’Europe pour l’essentiel bien nourri et bien éduqué qu’on s’efforce d’aider à s’accomplir et à mettre en valeur ses « potentialités », enfant prétexte pour parler de soi, enfant truchement des passions contraires qui traversent la société… Il est bien difficile de dire aujourd’hui à qui sont les enfants.(…) Irions-nous vers un système de propriété de l’enfant proche des systèmes africains ou asiatiques ? (…) On peut se demander si on n’assiste pas à l’émergence d’un nouveau système de parenté.(…) L’enfant « occupe une place complexe :  si, d’un côté, il est de plus en plus désiré, entouré, écouté, soutenu, il subit de plein fouet les conséquences des déboires conjugaux de ses parents comme il apparaît aussi victime de maltraitances diverses.(…)
« A qui appartiennent les enfants ? », Martine Segalen – Ed.Tallandier.

« Nous remarquons que l’adolescence apparaît de plus en plus tôt et qu’elle laisse les parents de plus en plus démunis. Dans notre monde scientifique, nous dit Catherine Mathelin, où les enfants sont programmés, désirés, attendus, dans une société où tout est fait pour eux, et pour qu’ils soient le plus heureux possible, que viennent-ils nous dire en nous agressant plus ou moins sauvagement, dès l’âge de 9 ou 10 ans?(…)  » L’adolescence précoce est directement liée à notre éducation moderne tout comme elle est liée au processus d’infantilisation des parents.  Les enfants deviennent des adultes plus tôt et les adultes restent plus longtemps enfants. C’est un effet de la modernité. «  » C’est aussi le malaise des parents d’aujourd’hui que les enfants, au détriment de leur vie à eux, essaient d’apaiser.(…) Les enfants dans un système d’éducation où ils se retrouvent mis, par les parents, à une place de copains ou de consultants, devront se détacher d’eux plus brutalement à l’adolescence.  Il en est de même pour ceux qui, trop choyés et adulés par la mère ou le père, auront à traverser une période très violente pour enfin se détacher d’eux et se tourner vers les autres. » (…)
Catherine Mathelin, psychologue québecoise.

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P.S. : Ce billet comprend des extraits de notes prises parfois depuis de nombreuses années dans différentes sources, pour des exposés, présentations et articles, sans avoir – malheureusement –  noté systématiquement ces sources et références. Les auteurs qui reconnaîtraient des formulations non référencées sont invités à le mentionner en commentaires de ce billet. L’Abrincate ne manquera pas d’ajouter la référence dans le texte.

« Aucun mot ne saurait défaire ce qui a été fait »

12.04.13

Ce 11 avril 2013, l’Etat suisse a organisé une cérémonie officielle … d’excuses, à Berne, en présence de la Ministre de la Justice Simonetta Sommaruga, de représentants des institutions, des Eglises, des cantons, des villes, de l’Union suisse des paysans, etc.

… Quid ?

(…) « quelque 100’000 enfants placés aux 19ème et 20ème siècles en Suisse. Formant une force de travail bon marché, ils ont été parfois battus, mal nourris, voire abusés sexuellement. D’autre part, des «filles mères» ou des «marginaux» ont été emprisonnés sans jugement ou internés en hôpital psychiatrique jusqu’aux années 1980. Les autorités ont parfois ordonné la castration et la stérilisation ou l’adoption forcée d’enfants. »

(…) Le quotidien de boulevard Blick a calculé, avec l’économiste en chef d’une grande banque, que «le travail gratuit des enfants a rapporté à l’agriculture entre 20 et 65 milliards de francs. Environ 10’000 des enfants concernés vivant encore, ils devraient toucher 1,2 milliard de francs.»

Enfances brisées [DR]

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La Ministre de la Justice s’exprime en ces termes :

(…) De nombreuses femmes et de nombreux hommes dans cette salle savent ce que cela signifie d’être placé, sans protection, sans explication, dans un foyer étranger, d’être méprisé, d’être abaissé, d’être humilié.
De nombreuses personnes dans cette salle savent trop bien ce que c’est de se sentir impuissant, d’être maltraité physiquement et psychiquement, d’être abusé sexuellement.
Ce sont des femmes et des hommes, parmi nous, qui ont été stérilisés contre leur volonté. Ce sont des mères, dans cette salle, auxquelles on a enlevé leur enfant, parce qu’elles n’étaient pas mariées. Ou des femmes qui ont été contraintes d’avorter, ou des mères de donner leur enfant à l’adoption. »
(…)
Priver un enfant de ce dont tous les enfants ont besoin – l’amour, l’affection, l’attention et le respect – c’est faire preuve de cruauté. Lorsqu’un enfant – ou un adulte – doit en plus supporter des violences psychiques ou physiques et qu’on lui ôte l’espoir de voir quelqu’un le protéger – c’est une violation de la dignité humaine.
Je le dis en tant que votre concitoyenne. Je l’affirme en tant que ministre de la justice. Et je le répète en tant que membre de notre gouvernement national : rien n’a plus de prix que la dignité humaine. » (…)
La maturité d’une société se mesure au regard qu’elle est capable de porter sur son passé.(…) Bien sûr, c’était une autre époque. Même si – bien heureusement – nous voyons aujourd’hui de nombreuses choses d’une autre manière, je m’oppose à un excès de relativisme. (…) La dignité humaine n’est pas une découverte du 21e siècle. La mère à laquelle on arrachait son enfant de 15 jours ne ressentait pas autre chose que ce que ressentirait une mère aujourd’hui. Et un enfant méprisé, humilié, considéré comme moins que rien, ne souffrait pas moins à l’époque que ne souffrirait aujourd’hui un enfant qui serait traité de cette façon. »

Mme Simonetta Somaruga , Ministre de la Justice
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L’Histoire se prête trop aux amalgames faciles pour ne pas se méfier des comparaisons et analogies artificielles, sinon douteuses. Et l’énumération qui suit ne suggère aucun amalgame idéologique à partir de faits survenus dans des pays différents et à des périodes différentes.

L’énumération qui suit vise, au contraire, à montrer que, quels que soient les régimes  et les systèmes idéologiques de pouvoir, des réalités historiques sont apparues avec un certain nombre de points communs – à tous les régimes, précisément :

– le rôle de l’Etat et des institutions, publiques et privées;
– le nombre souvent impressionnant d’enfants concernés;
– l’objectif d’assistance à l’enfance, de bonne foi selon les valeurs de l’époque, mais parfois comme prétexte à but lucratif ;
– l’interêt économique (transactions ou épargne…)

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On se permettra donc de rappeler les faits historique suivants :

ESPAGNE

 » En Espagne, près de 300 000 enfants pourraient avoir fait l’objet d’adoptions frauduleuses depuis les années 40 jusqu’aux années 90. La justice commence à entendre les victimes de ce juteux marché. Dans ce dossier, le traditionnel silence qui entoure les crimes du franquisme en Espagne n’a pas pu, cette fois, étouffer la clameur des victimes d’une tragédie qui brise encore des vies trente-cinq ans après la mort de Franco. (…) Après la guerre civile espagnole (1936-1939), environ trente mille enfants ont été enlevés à leurs mères républicaines pour être confiés à des institutions publiques ou à des familles proches du régime du général Franco.(…)
Dès les années 60 toutefois, ce sont des motifs purement crapuleux qui ont permis la perpétuation de ces « vols », donnant lieu à un vrai trafic. Les enfants étaient alors enlevés à des femmes vulnérables, mineures ou en situation de précarité sociale, et remis moyennant paiement à une famille adoptive. Lorsque les mères n’avaient pas « cédé » leur enfant, on leur faisait croire qu’il était mort-né. Pour éviter tout problème, on leur affirmait que l’hôpital se chargerait des formalités administratives et de l’enterrement.Le phénomène a été particulièrement intense entre 1960 et 1980. Le sociologue Francisco Tena, qui s’est spécialisé dans cette affaire, affirme toutefois (au quotidien El Mundo) avoir vu des cas jusqu’en 1995, soit vingt ans après la mort de Franco.(…)L’Association nationale des affectés par les adoptions illégales (Anadir) a calculé que 300 000 enfants pourraient avoir fait l’objet d’adoptions frauduleuses. (…)

Source :
– Gaëlle Lucas | MyEurop.info | 07/01/2011 | 13H40
– Chronique d’Audrey Pulvar – France Inter – mardi 25 janvier 2011)
– Quotidien suisse « 24 heures » : http://actu.en24heures.com/en-espagne-les-enfants-voles-du-franquisme-reclament-justice

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GRANDE-BRETAGNE

(…) … le fait qu’un pays européen tel que le Royaume-Uni enlève sciemment les enfants de ses propres familles et les fasse adopter sans le consentement des parents de naissance demeure un phénomène peu connu, car les familles touchées n’ont pas le droit d’évoquer leur cas en dehors de la cour de justice familiale, encore moins d’en parler à un journaliste, sous peine d’emprisonnement. Le Royaume-Uni a pourtant une histoire douteuse en matière de «protection de l’enfance» depuis le 19ème siècle. L’un des épisodes les plus dramatiques a duré 70 ans : les enfants volés aux familles pauvres étaient envoyés en Australie dans le cadre du programme d’état «Migrant Children» pour y créer «une bonne souche blanche» ! 40 ans après la fin du programme, au début de l’année 2010, Gordon Brown, David Cameron et Nick Clegg ont produit des excuses publiques à la Chambre des Communes pour ce désastre historique.


La reconnaissance en elle-même de cet exil forcé, malgré plusieurs décennies de campagne par les familles de victimes, n’a pratiquement fait l’objet d’aucune couverture médiatique et ses responsables n’ont jamais été punis. Aujourd’hui, le «gagging order» (ordre de bâillonnement) protège l’état, non seulement de la liberté de la presse, mais aussi de la liberté d’expression. Les parents en sont venus à utiliser les médias alternatifs pour décrire leur calvaire et surtout, retrouver leurs enfants. (…) Et surtout, il y a ces milliers de femmes accusées de «future négligence» ou «futur   dommage émotionnel» de leur enfant, dès les premiers jours de la grossesse… On leur enlève le nourrisson à la naissance et
on leur enlèvera ainsi chaque nouveau bébé, sur la seule foi d’un psychiatre payé par les services sociaux. Leur crime : avoir été victime de violence domestique, soit par leurs parents, soit par leur partenaire, et très souvent
par la famille d’accueil ou l’orphelinat ou elles-mêmes avaient été placées.
Plusieurs centaines de ces mères, seules ou en couple, ont fui à l’étranger afin de pouvoir garder leur bébé. Les histoires et dossiers légaux de ces familles lui ont fait connaître l’étendue et la variété des tactiques utilisées par les services sociaux pour piéger les parents. »  – (Etc,etc…)
Source : Blog de jean-Pierre Rosenczweig, juge des  mineurs http://jprosen.blog.lemonde.fr/2011/02/05/gers-des-relents-de-la-ddass-de-jadis-413/

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ARGENTINE

 (…) Lorsqu’en 1976, les forces armées prirent le contrôle du gouvernement argentin, elles commencèrent par mettre en oeuvre un plan systématique de destruction et de violation des droits les plus fondamentaux de l’homme.
De cette manière, elles causèrent la disparition de 30.000 personnes de tous âges, provenant des milieux sociaux les plus divers. Parmi les disparus, on dénombre plusieurs centaines d’enfants qui furent kidnappés avec leurs parents ou qui naquirent dans des centres de détention clandestins où leurs mères enceintes avaient été emmenées.
Plusieurs de ces enfants furent enregistrés comme enfants appartenant à des membres des forces de répression ; certains furent abandonnés alors que d’autres furent laissés dans des institutions en tant qu’enfants sans identité. De cette manière beaucoup d’enfants disparurent et leur identité fut détruite, les privant ainsi de leurs droits, libertés et familles naturelles. »(…)
Après des années dramatiques de recherches incessantes, il a été possible de localiser 58 enfants disparus dont 8 avaient été assassinés. Des 50 restants, 33 se trouvent déjà auprès de leur famille légitime et d’autres sont en contact avec leurs grands parents, avec leur vraie identité et leur propre histoire rétablie par des jugements de tribunaux.
Dans le but d’apporter de l’aide à cette tâche, l’Association a créé une équipe technique composée de 18 professionnels incluant des avocats, des médecins et des psychologues.


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Mme De Carlotto,
présidente de l’Association des Grands-mères de la Place de Mai

 » Chacun des enfants disparus possède un dossier en attente auprès d’une instance judiciaire et chaque nouvelle information reçue est ajoutée à ce dossier de sorte que plus le temps passe, plus il va être possible de déterminer l’identité réelle de tous les enfants ainsi que celle des responsables de leur enlèvement ou de leur adoption illégale.
Afin de préserver dans le futur les résultats obtenus lors de tests sanguins en vue de l’identification des enfants, une banque de données génétiques a été créée par la loi nationale No. 23.511 où l’histoire génétique de toutes les familles dont les enfants ont été enlevés sera conservée. « (…)

Source : Association « ABUELAS DE PLAZA DE MAYO »
Corrientes 3284 / 4o Piso / Dto. II / (1193) Capital Federal / ARGENTINE
Email: abuelas@wamani.apc.org  –  http://www.wamani.apc.org/abuelas/

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AUSTRALIE

 » L’expression « générations volées » (« Stolen Generations » ou « Stolen Children »), utilisée parfois au singulier (« génération volée » ou « Stolen Generation »), désigne les enfants d’Aborigènes australiens et d’indigènes du détroit de Torres enlevés de force à leurs parents par le gouvernement australien depuis 1869 jusqu’en 1969 environ. Ces enfants étaient le plus souvent des métis de mère aborigène et de père blanc. Ils furent placés dans des orphelinats, des internats, ou bien confiés à des missions chrétiennes ou à des familles d’accueil blanches.


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Ces actes sont reconnus par la majorité de la classe politique australienne comme l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire du pays, mais suscitent néanmoins débats et controverses encore aujourd’hui [1]. Le fait de savoir s’il faut ou non des excuses officielles du gouvernement, et s’il y a eu ou non tentative de génocide à l’encontre des Aborigènes[2], sont particulièrement sujets à controverse. En 1997, un rapport intitulé « Bringing them home » (Les ramener à la maison)[3] détaille l’histoire de ces pratiques, publie des témoignages, et suggère qu’environ cent mille enfants appartiennent aux « générations volées ». Le 11 décembre 2007, le gouvernement fédéral dirigé par Kevin Rudd promet des excuses officielles au nom de l’État australien[4]. Ces excuses sont présentées le 13 février 2008[5],[6].

Source : Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9rations_vol%C3%A9es

Plus tard, l’ancien Premier Ministre australien, Kevin RUDD s’exprimait ainsi dans une réunions publique en 2012 :

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(…) « Tout est possible si l’on sait ce que l’on veut. Ce lieu est une source d’inspiration. Ne sous-estimez pas le pouvoir que vous avez en tant que membre de la société civile. Avec le temps, vous pouvez soulever des montagnes. »
L’ancien premier ministre a décrit les éléments qui sont, selon lui, cruciaux pour des excuses réussies. Le premier élément est la sincérité des excuses : « Les excuses doivent être sincères, les gens ne sont pas dupes. » Kevin Rudd a écrit lui-même son discours à la main après avoir écouté pendant trois heures le récit d’une dame agée appartenant à la génération volée. « Pour un responsable politique, il est difficile de se taire pendant trois heures et d’écouter quelqu’un d’autre ». Les excuses doivent également être « bien reçues ». « Il y a toujours un risque ». Ces deux premiers éléments sont indispensables pour que « les excuses puissent apporter un réel changement. » La politique est faite de procédures et de comités, il n’existe pas de ministère des sentiments humains. Pourtant, selon Kevin Rudd, cette dimension est cruciale et les excuses sont un sacrement laïc qui peut avoir un impact spirituel et émotionnel profond. Autre élément fondamental, les excuses doivent également être basées sur des faits et ce fut le cas puisque ces excuses sont basées sur un rapport scientifique du comité. »(…)
Source : http://www.caux.iofc.org/fr/excuses_Kevin_Rudd

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FRANCE

 » Dans les années 1960 et 1970, la DDASS de la Réunion a transféré en métropole plusieurs centaines d’enfants abandonnés ou retirés à leurs parents. Ils étaient alors confiés à des familles ou à des institutions situées principalement dans le Massif central et le Sud-Ouest. Aucun voyage de retour n’était prévu. Ce transfert a été un échec : malgré quelques réussites individuelles, la grande majorité a souffert du déracinement, de la solitude, du racisme, du chômage. Quarante ans plus tard, des anciens pupilles ont intenté un procès retentissant à l’État, réclamant des centaines de milliers d’euros de dédommagement. Faut-il, comme eux, relier cet épisode aux pages les plus noires de l’histoire de France, l’esclavage et la déportation ? Ce transfert d’enfants incarnerait-il un néo-colonialisme qui n’ose pas dire son nom ? L’artisan de cette opération, Michel Debré, s’inquiétait de l’explosion démographique qui pesait sur l’île, mais il avait surtout l’ambition d’intégrer la Réunion à l’ensemble national et de transformer des petits créoles en Français comme les autres. C’est pourquoi il faut plutôt envisager cette inquiétante conclusion : la migration des pupilles réunionnais, avec la somme de souffrances qu’elle a engendrée, a été menée à bien parce qu’elle était conforme à l’idéal républicain.

Source : http://livre.fnac.com/a1990253/Ivan-Jablonka-Exil-d-enfants-transfert-de-pupilles-reunionnais-en-metropole#ficheResume

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 » En 1963, Michel Debré devient député de la Réunion. Pour éviter que l’île ne devienne indépendante comme l’Algérie un an plus tôt, il lance un ambitieux programme de développement: il fait distribuer du lait en poudre dans les écoles, organise un système de cantines gratuites, développe des infrastructures hospitalières, met l’accent sur la formation des jeunes, etc. Ce programme est financé par la solidarité nationale, puisque, depuis 1946, la Réunion est officiellement un département français.
Mais Debré, comme la plupart des élites politiques réunionnaises de l’époque, s’inquiète de la surpopulation, qui risque d’annuler tous ces efforts. Il met donc en place un programme de migration destiné à envoyer en métropole de jeunes adultes réunionnais. (…) En parallèle, Debré incite la DDASS de la Réunion à transférer en métropole des mineurs –orphelins, enfants abandonnés, enfants retirés à leur famille par décision de justice. Pour faire du chiffre, la DDASS envoie ses assistantes sociales en tournée dans l’île pour ramasser un maximum d’enfants. D’un côté, elle s’assure de la collaboration des juges; de l’autre, elle berne les parents en leur faisant croire que leur enfant va devenir avocat ou médecin. Elle immatricule à tout va, après quoi, elle a les mains libres pour envoyer les pupilles là où elle le souhaite. En tout, 1.600 enfants ont été expédiés dans une soixantaine de départements, notamment dans les zones rurales et vieillissantes du Massif central et du Sud-Ouest. En transférant une population depuis une île surpeuplée vers des départements désertés, Debré espère faire d’une pierre deux coups.(…)

Depuis la Révolution française, la pensée républicaine vise à régénérer l’enfant né ou élevé dans des conditions jugées anormales. Dès qu’une défaillance familiale est diagnostiquée, l’État disqualifie les parents et s’empare de l’enfant, considéré comme un être malléable: le but est alors de l’extraire de son milieu social et de le métamorphoser dans un environnement sain, avant de le replacer dans la société, remis à neuf, régénéré. Dans le cas des enfants réunionnais, l’administration considère qu’ils ne peuvent souffrir de leur déracinement, puisque leur destin sera préférable à celui que leur réservait leur milieu d’origine.(…)La migration réunionnaise s’est soldée par un désastre humain. En quelques semaines, les pupilles perdent leurs repères familiaux et culturels, sont exposés au froid, à la claustration, au racisme, à des violences dans certains cas. En raison de ce choc très brutal –surtout pour des bébés, des enfants et des adolescents–, la métropole se révèle un milieu particulièrement angoissant et hostile. Dès leur arrivée, les enfants veulent rentrer chez eux; mais le piège s’est refermé. Sur place, le suivi social est inexistant. De ce fait, les pupilles ont subi des carences affectives très graves; un certain nombre a sombré dans la dépression, l’alcoolisme, la délinquance, la clochardisation ou la folie. (…)

Pour éviter les malgames historiques abusifs : 
(…)Dans le cas de la migration britannique (vers l’Australie), on observe la même déculturation et la même catastrophe socio-éducative; mais les enfants ont également subi des violences physiques et sexuelles systématiques, notamment dans les établissements des Frères chrétiens –ce qui n’est pas le cas en France. La migration réunionnaise et la migration britannique ont toutes deux été réalisées avec des arrière-pensées impériales et sans aucun suivi socio-éducatif; elles relèvent de la maltraitance d’État.
Le cas de la «stolen generation», qui concerne les enfants aborigènes
(d’Australie), est différent: il s’agit d’une tentative de génocide, où le déplacement forcé des enfants va de pair avec des vols de terre et des meurtres. (…)

Source : http://observatoire2.blogs.liberation.fr/normes_sociales/2009/11/les-enfances-perdues-de-laustralie-et-de-la-r%C3%A9union-entretien-avec-ivan-jablonka.html

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Bibliographie :

Mathias Gardet, David Niget, Enfances (dé)placées. Migrations forcées et politiques de protection de la jeunesse, XIXe-XXe siècles

David NIGET, Enfances colonisées. Une histoire postcoloniale des migrations juvéniles, XIXe-XXe siècles

Joëlle DROUX, Migrants, apatrides, dénationalisés. Débats et projets transnationaux autour des nouvelles figures de l’enfance déplacée (1890-1940)

Ellen BOUCHER, Enfance et race dans l’Empire britannique. La politique d’émigration juvénile vers la Rhodésie du Sud

Sarah HEYNSSENS, Entre deux mondes. Le déplacement des enfants métis du Ruanda-Urundi colonial vers la Belgique

Yves DENÉCHÈRE, Les « rapatriements » en France des enfants eurasiens de l’ex-Indochine. Pratiques, débats, mémoires

Naomi PARRY, Stolen Childhoods. Reforming Aboriginal and Orphan Children through Removal and Labour in New South Wales (Australia), 1909-1917

Marie-Pierre BOUSQUET,  Êtres libres ou sauvages à civiliser ? L’éducation des jeunes Amérindiens dans les pensionnats indiens au Québec, des années 1950 à 1970

Marta CRAVERI, Anne-Marie LOSONCZY, Trajectoires d’enfances au goulag. Mémoires tardives de la déportation en URSS.

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Revue d’Histoire d’enfance « irrégulière (RHEI) N0 14 :
Ecole Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse
 » Enfances déplacées en situation coloniale »


Les droits de l’enfant … contre ses parents ?

20.03.13
Aucun élément ni aucune clause de la Convention relative aux Droits de l’enfant ne mentionne, ni peut être interprétée dans le sens d’une remise en cause de l’autorité parentale, sauf violence, maltraitance ou négligence graves qui incite la justice au retrait de cette autorité parentale.

Hormis le cas de renoncement d’un parent à l’exercice de l’autorité parentale par abandon d’enfant, seul l’Etat dispose de la possibilité légale de prononcer la déchéance de l’autorité parentale. Dans la plupart des pays, le retrait partiel ou total de l’autorité parentale sur leur enfant mineur est un acte rare et toujours décidé par un juge, et jamais par une simple autorité administrative (qui peut cependant la demander ou la proposer à un juge).

Dans plusieurs pays, l’autorité parentale s’est substituée à la « puissance paternelle » et signifie l’égalité des droits et devoirs du père et de la mère jusqu’à la majorité (ou l’émancipation de l’enfant) dans la protection et l’éducation des enfants.

Il faut rappeler ici ce que comporte la notion d’autorité parentale : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.(…)( Loi n°2002-305 du 4 mars 2002-France).

Exemples de malentendus et de controverses à propos de la Convention relative aux droits de l’enfant :

– La Convention contraint chaque Etat à respecter et faire respecter la liberté de croyance et de pratique religieuse. Rien n’interdit aux parents d’élever leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.  (Articles 14.1 et 14.2 :  » 1. Les Etats parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. 2. Les Etats parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités. »)


La Convention édicte que les gouvernements ont pour rôle de soutenir les parents dans leur mission d’éducation, en veillant au respect du droit de l’enfant à l’éducation et à la protection lorsque les parents sont défaillants.
Article 18.1 et 2 :  » 1. Les Etats parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant. 2. Pour garantir et promouvoir les droits énoncés dans la présente Convention, les Etats parties accordent l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant et assurent la mise en place d’institutions, d’établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants. »

– La Convention n’interdit pas aux parents d’impliquer leurs enfants dans le travail domestique ou dans l’activité familiale. Mais ces activités doivent être adaptées aux capacités et à la maturité de l’enfant, et les droits à la sécurité, à l’éducation, et à la santé doivent être respectés. A ces conditions, toute activité peut être une forme d’apprentissage de la responsabilité. (Articles 32,1  : « 1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. » –  Article 31.1 : « 1. Les Etats parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique.)

–  La responsabilité morale et légale des parents reste entière dans le cadre de la liberté  des enfants de s’associer et de se réunir, en utilisant cette opportunité éducative pour en mesurer avec eux les avantages, inconvénients et risques. (Article 15.1,2 :  » 1. Les Etats parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique. – 2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. »).


–  La Convention prévoit le droit de l’enfant au respect de sa vie privée, selon son âge et sa maturité : journaux intimes, correspondances, courriers de toutes sortes, etc… Les parents doivent cependant dialoguer avec leurs enfants, et les guider, sur les méthodes utilisées. (Article 16,1 et 2 :  » 1. Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »)


ARCHE de ZOE : quelques leçons apprises…

2.12.12

        A l’occasion du procès qui s’ouvre, en France, cette semaine (03.12.12), l’affaire de l’Arche de Zoé (en 2007) revient dans l’actualité et permet de rappeler quelques leçons apprises, à la lumière de cette pitoyable saga.

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        Y avait-il « exercice sans autorisation de l’activité d’intermédiaire en adoption d’enfants » ?
L’Arche de Zoé ne s’est jamais présentée aux familles comme ayant le statut légal d’intermédiaire en adoption. Mais, tant par écrit (dans les documents d’informations aux familles) qu’oralement (dans les conférences publiques) la possibilité de l’adoption est toujours mentionnée comme l’étape suivant l’accueil des enfants, mais sous la seule responsabilité des familles, celle de l’Arche de Zoé « s’arrêtant » à la remise des enfants aux familles dès l’arrivée sur sol français.
Un des critères de sélection des familles étant la capacité de prise en charge des enfants à vie, attestée si possible par un agrément de l’Aide Sociale à l’Enfance, des familles ont « naturellement » vu ainsi, de bonne foi, la possibilité de réaliser leur désir d’adoption, plus rapidement et pour moins cher que dans les procédures habituelles.

        Les fondateurs de l’Arche de Zoé ont sciemment surfé sur l’appel d’air créé par la conjonction d’une situation d’urgence et d’une « demande » d’adoption, en proposant une procédure « accélérée » d’arrivée d’enfants présentés – qui plus est – comme orphelins et en danger de mort. Or l’adoption n’est pas une action d’urgence et seuls sont adoptables les enfants déclarés tels par les autorités de leurs pays.

         Y – avait-il  « Aide à l’entrée et au séjour irréguliers de mineurs étrangers en France » ? Imagine-t-on la situation juridique des enfants s’ils avaient été remis aux familles à l’aéroport de Reims-Vatry sur sol français ? Comment des autorités françaises – non prévenues de cette arrivée –  auraient-elles pu délivrer une autorisation collective, alors que toutes les décisions relatives aux demandes d’asile sont évidemment individuelles ?
Dans le document envoyé aux familles par l’Arche de Zoé, il est dit qu’ « il faudra que TOUTES  (sic) les familles soient solidaires au sein d’un même collectif afin qu’une famille ne soit pas seule face à une administration, mais qu’au contraire, le nombre d’enfants et de familles soit un atout pour faire prévaloir et appliquer le droit. » Autrement dit, une manif sous les fenêtres de la Préfecture suffira ? (et le texte ajoute : « Les dépenses d’aide juridique sont à la charge de la famille. »

         Et si les familles, les chefs de village, le personnel local de l’Arche de Zoé avaient témoigné et porté plainte pour manipulation et abus de confiance ?
Et si le gouvernement tchadien avait exigé le retour des enfants enlevés à leurs familles ?
Le président Sarkozy aurait-envoyé la police retirer les enfants des familles françaises, elles aussi victimes d’abus de confiance ?
Imagine-t-on les suites de souffrances humaines que cela aurait pu entraîner, de tous les côtés ?

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      Quant à l’accusation d’escroquerie, comment l’Arche de Zoé a-t-elle pu faire croire que l’argent versé par les familles était un don « pour financer l’opération de sauvetage », sans aucun rapport avec la promesse d’’accueillir « avant Noël » un des enfants « sauvés » ? Le document remis aux familles précisait : « La procédure d’évacuation est gratuite et aucun frais ne pourra être facturé à la famille qui accueille l’enfant. » et plus loin : « l’Arche de Zoé sollicite ces familles pour des dons qui permettront d’assurer le fonctionnement de l’association de manière pérenne (…) Il est demandé aux familles un don d’au moins 90 euros lors de l’inscription, permettant de couvrir l’ensemble des frais administratifs (…) Il sera demandé aux familles, après validation de leur inscription, un don d’au moins 1 400 euros pour participer aux frais d’évacuation des enfants et d’acheminement jusque dans le pays d’accueil. »
Moralité : si l’opération se réalise, votre argent a servi à la financer (dont les « frais de gestion » pour les responsables), et si l’opération échoue, l’association garde l’argent pour sa « pérennité ». Et le tour est joué…

          La justice se prononcera par rapport au droit français, mais on ne peut s’empêcher de penser que quelques notions de droit international mériteraient d’être considérées, notamment du fait que les responsables de l’Arche de Zoé ont abusé de la confiance de tous leurs interlocuteurs en « garantissant » l’absolue conformité de leur projet au droit en vigueur, alors que toute la procédure de cette opération d’enlèvement d’enfants a été, de A à Z, mensongère.
On trouvera autant de clauses du droit international pour critiquer les méthodes de l’association que pour les justifier… Le droit international protège aussi les réfugiés, y compris les enfants, d’actions-mercenaires de ce genre.
L’Arche de Zoé utilisait les articles de conventions internationales qu’elle estimait pertinents et surtout utiles à la justification de l’opération, tout en ignorant les articles qui, dans les mêmes instruments juridiques, la condamnaient. Les instruments juridiques ne sont pas un supermarché…      

          Qui plus est, sur le plan juridique, il est possible que des motifs de « territorialité des faits » et de « juridiction compétente » interdisent d’utiliser d’autres instruments de droit pénal : mais on peut tout de même se demander si toute cette opération ne relèverait pas de l’enlèvement d’enfants par une réseau de criminalité organisée, de manière illégale et clandestine, et ce dans un but lucratif sous paravent humanitaire : et donc l’opération ne mériterait-il pas une considération judiciaire autrement plus grave ?

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            Mais, pour l’opinion publique, le plus important peut-être est de dépasser les questions strictement juridiques pour aborder l’essentiel, à savoir les questions éthiques dans la pratique de l’action humanitaire, auquel le public de donateurs a le droit d’être informé :

        1 – Y a-t-il encore des soi-disant sauveurs de l’humanité qui sollicitent des dons pour des transferts d’enfants à l’étranger qu’ils n’ont jamais rencontrés ni identifiés eux-mêmes sur leur lieu de vie ? Dans un communiqué du 28 avril 2007, l’association annonçait « 10 000 enfants orphelins au Darfour », sans citer aucune source, mais le livre du fondateur de l’Arche de Zoé témoigne de ce que, dans ses « évaluations initiales » sur le terrain, il n’a rencontré aucun des enfants dont ses interlocuteurs lui ont simplement « parlé ».
Un semblant de sélection était opéré sur les enfants accueillis dans la première phase, mais sur la base des informations données par les chefs de village payés pour aller les « sauver »… Les enfants étaient interrogés par traducteur interposés : que vaut la traduction des dires d’un enfant arraché à sa famille ou à son village, et qui a pu être manipulé, « pour son bien »  ?

        2 – Comment est-il possible d’opérer un tel détournement de la signification éthique des mots ? Sous prétexte de trouver des familles pour des enfants « garantis orphelins de père et de mère, de moins de 5 ans et risquant la mort », l’action, en réalité, a consisté à chercher des enfants pour répondre a posteriori à la demande (de bonne foi) de familles qui avaient payé d’avance. L’association avait créé un mouvement d’adhésion et de candidatures de plusieurs centaines de familles : il fallait donc répondre à cette demande, avant fin 2007, pour ne pas les décevoir, et aller chercher des enfants avant d’avoir identifié les enfants correspondant aux critères annoncés. Sans avoir aucun dossier individuel, ni aucune certitude sur leurs âge, identité et état de santé ?
Qui peut affirmer d’emblée qu’un enfant est orphelin, et à l’identité garantie, dans un camp de réfugiés en Afrique, même dans une situation dans une zone frontalière de conflit ?

        3 – Comment la sélection des familles (de bonne foi) a-t-elle pu se faire sur simple dossier, sans jamais avoir procédé à un entretien préparatoire par des professionnels compétents, susceptibles d’assurer le suivi de l’accueil, en cas de problèmes – naturellement inévitables ? L’accueil d’enfants présentés comme traumatisés et déracinés ne s’improvise pas…

        4 – Comment peut-on demander aux parents d’accueil « de faire une déclaration d’entrée sur le territoire français aux autorités préfectorales, afin que celles-ci assurent un suivi particulier de l’enfant », ce qui constituerait une sorte de « fait accompli » pour forcer la main de ces autorités ? Pourquoi serait-ce les parents qui devraient porter le soupçon d’accueil irrégulier d’enfants étrangers sur sol français ? Avec des frais d’avocats à la charge des familles, peut-être pendant des années, puisque les documents signés déchargent l’association de tout frais juridique ultérieur…

        5 – Comment peut-on demander à des personnels paramédicaux de faire des faux pansements et bandages à une centaine d’enfants, pour simuler une opération de sauvetage médical d’urgence ?Pourquoi alors, dans le dossier d’inscription des familles candidates à l’accueil, est-il exigé que « la famille d’accueil s’engage à faire passer (à l’enfant) un examen médical (…) afin de s’assurer de son bon état de santé »

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        6 – A-t-on idée qu’il puisse encore y avoir des opérations de transferts de populations pour sauvetage humanitaire sans aucune information aux autorités (du pays d’origine comme du pays d’accueil), en dissimulant jusqu’au dernier moment – par mensonge délibéré (supposé sécuriser les enfants) – à toutes les parties prenantes locales, familles d’origine, chefs de village, leaders communautaires, autorités de tutelle, et à leur propre personnel engagé pour accueillir temporairement les enfants, que ces enfants étaient destinés à partir et à vivre en France ?

        Le public doit savoir que parmi les acteurs humanitaires, ce lamentable bluff de l’Arche de Zoé n’a pas seulement suscité l’indignation commune, mais surtout de la colère. Rien de tel qu’une opération de ce genre pour donner aux Etats les moins disposés à l’action humanitaire une magnifique occasion de vitupérer l’action des ONG qui « sous prétexte d’action humanitaire, font n’importe quoi… et même illégalement »

        Pourtant, les professions humanitaires tentent de maintenir un haut niveau de règles éthiques, fondées sur l’expérience surmontée d’années d’échecs, d’erreurs, et parfois de perversions. Au XX ème siècle, certain-e-s fondateurs-trices d’organisations humanitaires ont pu engager des actions-commandos qui, avec les lunettes juridiques et éthiques d’aujourd’hui, seraient inacceptables.
Mais il est d’autant plus déplorable de voir des gens se lancer, cinquante ans plus tard, dans des opérations de communication à but lucratif, modèles supposés de story-telling humanitaire, au mépris des lois, des règles éthiques et surtout des leçons apprises.

source : Comité de la Charte

        L’avocat de l’Arche de Zoé déclarait en 2007 que » si les membres de l’association ont œuvré dans l’illégalité, c’est dans une illégalité formaliste, et non pas une illégalité qui permettrait de penser à une quelconque escroquerie à l’humanitaire. »
Dans certaines circonstances, il faut savoir désobéir, pour raisons de conscience, mais en construisant sur des faits, des vérités et des convictions. On ne construit pas la désobéissance civile sur le mensonge. Il ne suffit plus aujourd’hui de prétendre faire le bien : il faut pouvoir le prouver.

        N’est pas l’Abbé Pierre qui veut.

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Autres billets de ce blog,
à titre de réflexion
sur l’identité et les enjeux de l’action humanitaire :

 » Haïti : l’adoption n’est pas une action d’urgence  »
 » L’humanité, fichez-lui la paix ! »
 » Le reste muet de la politique (Michel Foucault)  »
 » Martin Hirsch : le réalisme renforce la conviction  »
 » De partout, des gens se lèvent et parlent  »
 » Humanitaire, idéologie et… humanité  »
 » Multinationales et ONG : la danse du ventre ?  »
 » Des ONG pataugent dans l’économie-fumier  »
 » La chute du Mur de l’humanitaire ? »
 » Le fourre-tout de ce que l’on demande aux ONG  »
 » Otages … de l’humanitaire ? »
«  De l’éthique sur l’étiquette des ONG  »
 » Edmond kaiser : d’un autre âge ? « 


Qu’est-ce que l’adolescence ?

30.06.12


Développement durable et justice des mineurs

20.06.12

L’intérêt à long terme de toute société
est d’appliquer
les normes internationales
de justice pour mineurs.

Article 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant :
1. Les Etats parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci.
 

Dans un contexte de globalisation, et notamment de libéralisation de l’économie mondiale, réduisant parfois le rôle des services publics de l’Etat, l’accent mis sur la lutte pour la « sécurité humaine »  se traduit par une gouvernance interne strictement sécuritaire, qui conduit parfois à la criminalisation de multiples formes de pauvreté. En cela, ils ignorent le caractère déterminant d’une Justice des mineurs conforme aux normes internationales, dans l’intérêt de la sécurité de ces mineurs, comme pour la sécurité de la population, ce qu’exige l’opinion publique.

Livre à lire toutes affaires cessantes…

Beaucoup de gouvernants privilégient une politique à courte-vue dans l’espoir d’un gain politique immédiat, préféré à un traitement à long terme : punir vite plutôt qu’éduquer lentement… Même dans des pays disposant des moyens économiques pour des mesures alternatives à la répression pénitentiaire, apparaissent des pratiques de « couvre-feu » dans certaines zones urbaines, ou l’annonce récurrente de la détection de la « prédisposition à la délinquance » dès l’école enfantine. Les comportements marginaux et contestataires, perçus comme symptômes inévitables du renouvellement des générations, s’effacent devant des discours sur les comportements « anti-sociaux » des mineurs, « toujours plus nombreux, toujours plus violents, et toujours plus jeunes (ce qui est souvent statistiquement faux) permettant de justifier des pratiques publiques de stigmatisation et d’exclusion.

Par ailleurs, la privatisation de la construction et de la gestion des établissements pénitentiaires ne contribue pas au développement durable d’une politique de réinsertion: le nombre d’incarcérations augmente, et il faut rentabiliser les nouvelles structures privées « mises sur le marché ». Au contraire, la rigueur économique suppose que, pour l’immense majorité des délinquants primaires, le rapport coût-efficacité du travail social et éducatif en milieu ouvert soit admis comme plus favorable que d’investir dans des institutions pénitentiaires coûteuses, même si, par leur visibilité, elles donnent le sentiment de rassurer la population.

De plus, la croissance des phénomènes migratoires entraîne l’exil de quantité de mineurs, parfois incités par leurs familles, parfois sous la contrainte de trafiquants en vue d’activités illégales. Les pays de destination utilisent souvent des méthodes marginales, arbitraires voire illégales, du type « deux poids-deux mesures » contraires aux conventions internationales.

Enfin, les bouleversements survenus dans les conflits armés, internes ou internationaux, accroissent le phénomène des enfants enrôlés soit dans les forces armées, soit dans les milices, guérillas, et autres groupes armés. Souvent, les Etats confrontés à des troubles internes imposent un régime légal d’exception ou une sorte de « loi militaire » qui suspend l’obligation de traiter les mineurs selon les normes : l’enrôlement est pourtant une forme avérée d’exploitation et d’abus de pouvoir qui oblige pourtant à traiter le mineur comme une victime avant d’être un criminel.

               Il n’y a pas de sécurité humaine durable sans Etat de droit : toute politique sécuritaire fondée sur un abaissement des exigences en matière de respect des droits humains est vouée à l’échec.

                                ********

« Les enfants conserveront pendant toute leur vie
ce qu’ils assimilent
et ce qu’ils expérimentent pendant leur enfance,
sur le chemin qui mène à la vie adulte,
et transféreront ces connaissances
à la prochaine génération. »

(UNICEF).


Crime organisé envers les enfants : crime contre l’humanité?

31.01.12

La criminalité organisée envers les enfants
considérée comme crime contre l’humanité (1)

 » L’ordre politique légal n’a pas pour but de nous édifier,
mais d’éviter le pire « .
(Leszek Kolakowski)

     De quel droit une organisation humanitaire se mêle-t-elle d’un sujet aussi pointu et complexe que celui de l’universalité en droit pénal ?

     Depuis plusieurs années déjà, la plupart des acteurs humanitaires et de développement ont intégré le droit, national ou international, comme instrument d’action au service des bénéficiaires de leur action. Ni élus ni mandatés pour interférer dans le domaine législatif, les ONG estiment cependant que le droit est l’expression des valeurs d’une société civile et que ni le législateur ni les juristes n’ont le monopole du débat juridique.

     De quel droit parlons-nous ? De ce que nous voyons sur le terrain, de ce qu’on ne peut taire ou laisser passer, de ce monde d’ « en-bas »- comme on dit aujourd’hui – et parfois de ce monde du « sous-sol »…. «Le malheur des hommes ne doit jamais être le reste muet de la politique», disait Michel Foucault qui ajoutait : «Il existe une citoyenneté internationale qui a ses droits et ses devoirs».

     Mais la légitimité de la contribution des ONG au débat législatif a pour contrainte le respect de certaines règles :

1) Une indépendance totale de tout pouvoir institué, politique ou idéologique : il ne s’agit ni de promouvoir une vision du monde, ni de « créer du droit » pour le plaisir, ni de se positionner dans les médias, mais de faire vivre la dialectique du droit et de la réalité : soit le droit est excellent, mais il n’est pas – ou est mal appliqué; soit, face à des situations de nature ou d’ampleur nouvelles, le droit est insuffisant ;

2) Une argumentation juridique ne doit jamais exprimer une volonté de surenchère moralisatrice ou de surfer, par démagogie, sur l’émotion, même légitime de l’opinion publique;

3) Une ONG ne doit jamais prétendre se substituer au législateur, ni à la justice, ni aux victimes, et encore moins parler en leur nom : il faut donner la parole aux victimes qui exigent leur droit, mais en aucun cas s’exprimer à leur place.

      L’enthousiasme actuel sur la question de la compétence universelle ne suscite, à ce jour, l’intérêt des médias, des juristes et de beaucoup d’ONG, que face aux gravissimes responsabilités des Milosevic, Pinochet, Saddam Hussein, Menguistu, Hissen Habre. Les espoirs suscités chez les victimes par ces avancées judiciaires contre ces dictateurs sont parfaitement légitimes. Mais à nos yeux, la question se pose pour une multitude d’autres situations, de manière tout aussi grave, hors de tout conflit armé, même si les responsabilités sont moins médiatiques.

Enfant exploité dans les mines – source photo

Devant :

– l’assassinat de 1293 mineurs au Honduras entre janvier 1998 et juillet 2002, dont les auteurs sont le plus souvent des policiers, des militaires ou des para-militaires ;

– les réseaux clandestins de mendicité ou d’exploitation sexuelle des enfants par milliers dès l’âge de 6 ou 8 ans dans leur pays ou à l’étranger, chez nous comme à l’autre bout du monde ;

– la disparition systématique de fillettes déposées dans les orphelinats d’Etat en Chine;

– l’enlèvement de 520 enfants d’opposants politiques par l’ancienne dictature argentine et qui ont été « adoptés » par des familles du régime en place, essentiellement des militaires ;

– l’assassinat d’ enfants par des groupes armés dans les écoles en Algérie ;

et face à tant d’autres situations, l’émotion publique est devenue universelle, tout autant que la compétence des réseaux de criminalité organisée qui se jouent du cloisonnement des lois et des procédures juridiques et économiques. Sans oublier plus récemment, « Landslide Inc. » entreprise américaine au chiffre d’affaires annuel de 9 millions de dollars US, qui vendait sur Internet des documents pédophiles, ce qui a entraîné l’interpellation, en Suisse, de 1 300 suspects de les avoir téléchargés…

     Source photo

Dans l’analyse de chacune de ces situations – et de tant d’autres :

Y a-t-il criminalité organisée envers les enfants parce que ce sont des enfants ? OUI

Y a-t-il criminalité organisée et systématique visant à – ou aboutissant, en connaissance de cause, à – la destruction physique et/ou psychologique irréversible des enfants ? OUI.

Y a-t-il responsabilité de l’Etat ? OUI, par complicité active ou passive. L’idée d’une responsabilité pénale de l’Etat fait sourire tout le monde, parce qu’on ne peut pas mettre un Etat en prison. Mais les victimes, lorsqu’elles sont encore vivantes, et leurs familles, elles, ne sourient pas.

     Nous touchons déjà un aspect du problème de la compétence universelle, en ce sens qu’il n’y a pas de criminalité organisée à grande échelle contre des enfants sans que, le plus souvent et d’une manière ou d’une autre, l’Etat n’ait une responsabilité, par complicité active ou passive de ses agents. Or on voit mal un Etat, à la fois source et garant du droit, engager la poursuite d’auteurs d’une criminalité qu’il a initiée ou couverte.
Devant ces crimes organisés, il existe bien déjà une sorte de compétence universelle par le biais du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU ou du Comité des Droits de l’enfant. L’impact médiatique de leurs publications n’est pas à négliger, lorsqu’on sait à quel point les Etats sont très susceptibles sur leur image internationale. De leur côté, les Cours Européenne ou Interaméricaine des Droits de l’homme, dont la juridiction est supranationale et non universelle, sont incontestablement utiles et ont fait leurs preuves, mais ce ne sont pas des Cours Criminelles : elles se référent exclusivement aux Conventions régionales des Droits de l’homme.
En tant qu’ONG, notre approche du problème de l’universalité est différente : elle est apparue de manière parfois fortuite – et elle reste très empirique.

     Bien avant que le sujet qui nous occupe suscite l’intérêt médiatique, notre organisation a dénoncé, en septembre 1994, et fait poursuivre, en Belgique, le réseau « Spartacus », qui assurait la promotion – sordide – de l’exploitation sexuelle des mineurs dans 120 pays depuis 25 ans. Les faits connus étaient tous commis à l’étranger, sur la base d’informations diffusées dans le monde entier. L’éditeur responsable résidait en Belgique au moment de son interpellation. Il ne pouvait, selon la loi belge de l’époque, être poursuivi que pour « publications pornographiques » sur le sol belge et risquait quelques mois de prison. Les péripéties de l’enquête que nous avons suivie nous ont révélé les énormes difficultés que rencontrait la police belge pour intégrer toutes les données internationales du réseau, à commencer par l’existence de plus de 30 comptes bancaires dans plusieurs pays – au point que l’inspecteur de police nous signifiait à de nombreuses reprises que nous n’aboutirions à la condamnation souhaitée qu’en faisant venir d’Asie ou d’ailleurs des témoins, mineurs – ou adultes ayant été violés par des pédophiles lorsqu’ils étaient mineurs. Ce que nous avons d’ailleurs constamment refusé par souci de protection des victimes. Et nous avons eu gain de cause, puisque le tribunal s’est déclaré incompétent, ce qui aurait conduit le prévenu à la Cour d’Assise, s’il n’était pas décédé six mois après ce premier jugement.
     C’est cependant, nous a-t-on dit, notre campagne de presse précédant le procès en 1994 qui a incité le législateur belge à modifier, en avril 1995, le Code d’Instruction Criminelle permettant la poursuite en Belgique des ressortissants belges ou étrangers se trouvant en Belgique ayant commis des infractions sexuelles à l’étranger sur des mineurs de moins de 16 ans.
En 1997, la Conférence de Rome portant création de la future Cour Pénale Internationale est annoncée. Alerté régulièrement sur de multiples formes de criminalité organisée envers les enfants, Terre des hommes décide de lancer en 1998 l’ « Appel de Lausanne », demandant que cette criminalité organisée envers les enfants soit qualifiée de Crime contre l’humanité, selon les textes existants, mais en-dehors même des situations de conflits armés.
La demande est apparue saugrenue, voire intempestive, puisque tous les participants n’avaient en tête que les situations de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité dans les conflits passés. D’autre part, jusque dans les derniers jours de la Conférence, il n’était pas certain qu’elle réussirait à adopter de statuts définitifs.
Et pourtant – parfois à notre grande surprise – les soutiens à l' »Appel de Lausanne » ont afflué, provenant d’autorités publiques et d’une multitude de personnes et d’associations de plus de trente pays.

     source photo

     Parmi ces dernières, cinq témoignages de soutien nous ont incité à inviter les parents d’enfants victimes à participer à la Conférence de Rome : venant de Chine, d’Argentine, de Belgique, d’Algérie et de France, ces témoins (dont vous trouverez les textes dans le dossier de ce colloque) ont vu dans la qualification de crime contre l’humanité la possibilité de poursuites universelles et imprescriptibles.
Que nous apprennent ces témoignages ?

– que si la compétence universelle est problématique du point de vue juridique, les faits, les crimes et les souffrances sont, eux, vraiment universels; ils sont de même nature, révèlent et répètent universellement les même données, les mêmes défaillances, incuries et impunités.

– que dans la poursuite de ces crimes, le cadre juridique national, comme la volonté politique, sont le plus souvent insuffisants ; les juges et procureurs savent à quel point, dans certains pays, c’est la demande de coopération judiciaire internationale qui enclenche – ou réveille – des procédures et des poursuites au niveau national ;

– que certaines formes de criminalité organisée envers les enfants ne sont pas moins graves si elles s’exercent en-dehors de tout conflit armé, et que dans un monde économiquement globalisé, c’est l’intérêt économique face à des populations démunies qui engendre plus de violations graves des droits de l’enfant que les guerres ;

     Pendant la Conférence de Rome, la Délégation chinoise ne s’y est d’ailleurs pas trompée, qui a fait interdire notre conférence de presse, avec les parents, dans les locaux mêmes de la Conférence.
L' »Appel de Lausanne » abordait la question de la compétence universelle sous un angle particulier, à savoir qu’il est inutile de demander une qualification spécifique de la criminalité organisée envers les enfants dans le statut de la CPI sans demander simultanément à chacun des Etats fondateurs de l’inclure dans leurs propres Codes Pénaux. Et ce, afin d’éviter que les Etats se défaussent de leur responsabilité sur la CPI; et inversement – tant il est vrai que la CPI qui ne vise pas à se substituer aux Etats, ne peut être saisie que si les Etats sont défaillants, dans l’incapacité ou ne veulent pas poursuivre. Notre démarche n’était pas totalement incongrue puisque le gouvernement belge actuel a inscrit en juillet 1999 le soutien à l' »Appel de Lausanne » dans son programme de majorité. Soixante-deux Conseillers nationaux et Conseillers aux Etats suisses l’ont signé, sans oublier les motions de soutien des deux Chambres du Parlement italien (1998).
Nous sommes désormais – et de manière irréversible – dans un monde où la souveraineté d’un Etat s’exerce désormais aussi dans un cadre juridique universel face à des crimes dont il ne peut se prétendre à l’abri, de même qu’aucun Etat ne peut se permettre d’être un sanctuaire d’impunité pour une catégorie de criminels qui savent jongler de la diversité et du cloisonnement des lois nationales.
On peut s’étonner que la controverse sur la compétence universelle soit jugée légitime – et passionnante – lorsqu’il s’agit de la poursuite de Chefs d’Etats et qu’elle soit considérée comme pusillanime lorsqu’il s’agit de criminalité organisée envers une multitude d’enfants assassinés, violés, exploités. A quel degré de cruauté et de barbarie de masse sur les enfants faudra-t-il arriver pour que la question soit posée ?


   source photo 

      « Un enfant n’est pas citoyen d’un Etat particulier, il est membre de la communauté humaine qui a l’obligation morale de le protéger et de le défendre. Les enfants égorgés dans les écoles de la Mitidja sont algériens, mais symboliquement, ils sont allemands, américains, soudanais, chinois, français… Venir en aide aux enfants d’Algérie, les sauver du couteau qui les égorge, est un impératif moral qui s’impose à tous. A quoi servent les commémorations contre les crimes nazis si des crimes aussi barbares sont commis aujourd’hui dans l’indifférence de l’opinion internationale ? Si un pouvoir est incapable de maintenir le minimum de paix civile qui protège les enfants de l’assassinat collectif, il n’est plus souverain à l’intérieur de ses frontières » (M. L.Addi – « Le Monde » – 26.09.97 – à propos des massacres de civils en l’Algérie).

     Est-ce à dire qu’un juge d’Argovie ou de Genève peut être saisi d’une plainte contre des responsables de réseaux de prostitution enfantine au Sri-Lanka ou de l’assassinat systématique des enfants des rues au Guatemala ? Evidemment non. Et pourtant, s’il n’y a pas de possibilité de porter plainte dans le pays où les crimes ont été commis, aucune enquête n’aboutira… A moins que l’enquête n’établisse un lien de complicité, d’intérêt économique ou de résidence en Suisse. Encore faudrait-il sortir du principe de la double incrimination, chantier auquel l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse réfléchissent (cf projet de modification du CPS selon message 1998).

La souffrance des enfants victimes est universelle.
Les témoignages sont universels
L’émotion publique est universelle.
Les valeurs de référence deviennent universelles.
Le droit devient universel.
Les formes contemporaines de
criminalité organisée envers les enfants
sont universelles…

Il n’y aurait que les compétences
et les procédures judiciaires
qui ne peuvent pas l’être… ?

     C’est pourquoi nous mettons la barre plus haut – au risque de susciter un tollé général dans la communauté des juristes : le principe d’universalité en droit pénal face à la criminalité organisée envers les enfants ne sera effectif que lorsqu’il y aura cohérence entre les lois nationales et le droit international sur la poursuite de la criminalité organisée envers les enfants sous la qualification de Crime contre l’humanité.

     Il ne s’agit aucunement – encore une fois – de céder à la surenchère juridico-médiatique, mais de reconnaître des réalités.  Si, comme le craignent certains altermondialistes, les capacités de l’Etat s’affaiblissent devant les multiples formes de globalisation économique, dont les trafics d’êtres humains sont une des conséquences, la protection d’une multitude d’enfants dans les générations à venir supposera probablement le développement de mécanismes juridiques internationaux, en complément et en cohérence avec les lois nationales, sans conflits de compétence.

     Il n’est peut-être pas réaliste de donner à un juge de Zurich ou de Lausanne la possibilité de poursuivre les auteurs de crimes organisés contre les enfants n’importe où dans le monde. Mais un Code Pénal est aussi un message : la Suisse n’acceptera en aucune manière et sous aucune forme d’être un sanctuaire d’impunité pour les auteurs de criminalité organisée envers les enfants, que les crimes aient été commis sur son sol ou à l’étranger, par des ressortissants nationaux ou étrangers, qu’ils soient résidents ou non.

     Mais, nous dira-t-on, pourquoi voulez-vous obtenir la qualification spécifique de  » Crime contre l’humanité  » lorsque la criminalité organisée s’exerce sur les enfants ? Le Statut de la Cour Pénale Internationale lequel prescrit dans son Article 7 :

     « Aux fins du présent statut, on entend par crime contre l’humanité l’un des actes ci-après, commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque.
     (…) 

     Par « attaque lancée contre une population civile », on entend le comportement qui consiste à multiplier les actes à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un Etat ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque » ;
     (…) Par « réduction en esclavage », on entend le fait d’exercer sur une personne l’un ou l’ensemble des pouvoirs liés à la propriété, y compris dans le cadre de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ». (…)
    (…)« Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste (…) ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international » (la référence sur ce dernier point est – évidemment – la Convention relative aux Droits de l’enfant)

      Or nul ne peut défendre que sur le plan juridique, la notion de « Crime contre l’humanité » soit strictement réservée aux situations de conflits armés. La notion d’ « attaque », de « déportation » par « un Etat ou une organisation » contre une catégorie de population civile est tout à fait applicable hors de tout conflit. C’est bien le Conseil de Sécurité de l’ONU qui a décrété que l’apartheid, en Afrique du Sud, était un « Crime contre l’humanité ». En Argentine, le Général Videla a été poursuivi sous la même qualification après la disparition de 520 enfants d’opposants emprisonnés, et qui ont été adoptés par des familles de militaires argentins.

    Le Général argentin Videla à son procès –  source photo

        Permettez-moi une anecdote : en 1996, un juriste australien, à qui je soumets notre argumentation, me répond : « En Australie, nous avons le crime contre les personnes, mais pas le crime contre l’humanité… et il ajoutait, ironiquement : « Si vous me donnez une définition juridique de l’humanité, je vous dirai si je considère votre demande comme justifiée… » Or, même s’il y a de nombreuses conventions et déclarations qui énumèrent les droits de l’homme, il n’existe pas de définition juridique universelle de l’humanité.
En revanche, au fil de son histoire et de ses tragédies successives, les choses se sont passées comme si l’humanité parvenait progressivement à qualifier et condamner certains actes comme contraires à sa propre existence ; comme si, finalement, l’humanité ne pouvait se définir que « négativement », en caractérisant ce qui la détruit. Les crimes nazis, l’esclavage, l’apartheid sont désormais universellement qualifiés de « Crimes contre l’humanité ».
Nous demandons que la criminalité organisée envers les enfants soit aussi universellement qualifiée comme telle – l’imprescriptibilité et l’universalité des poursuites et des peines étant des conséquences de cette qualification.

  Les objections sont nombreuses et peuvent être résumées ainsi :

     « Pourquoi appliquer la plus haute qualification criminelle existante à une catégorie particulière d’êtres humains ? Un crime contre l’humanité est un crime contre tout être humain, qu’il soit enfant ou adulte… Vous risquez de voir apparaître la même demande venant des personnes âgées, des policiers, des handicapés, etc… »

      a) s’il est établi qu’ « il y a Crime contre l’humanité lorsque l’autre est victime pour ce qu’il est » (parce qu’il est Juif, étranger, etc…), notre demande s’enracine dans la définition juridique de la minorité, qui justifie l’existence propre et le fonctionnement de la justice des mineurs. Si un enfant se définit comme « un être humain ayant une capacité relative de discernement, d’expression et de défense », il est légitime de demander que les auteurs de criminalité organisée exploitant des enfants pour ces mêmes raisons et parce que ce sont des enfants, soient poursuivis sur la base de la plus haute qualification criminelle existante.
      Les enfants participent pleinement de l’identité même de l’humanité, ils sont son avenir et sa propre survie L’enfance n’est pas une fonction sociale, et les enfants ne sont pas des adultes en miniature, comme dans une salle d’attente et donc sujets de « moindre droit ».

S’attaquer à des enfants,
parce que ce sont des enfants,
de manière systématique et planifiée,
suppose donc une qualification criminelle
de nature spécifique –
et pas seulement une différence de degré
dans les sanctions applicables.

source photo   

 b) si la protection des enfants est déjà implicite dans les textes généraux des droits de l’homme, pourquoi donc la communauté internationale a-t-elle éprouvé le besoin de rédiger et de faire ratifier par la quasi-totalité des pays du monde une Convention « spécifique » relative aux Droits de l’enfant, dont les Articles 19, 32, 34 et 35 décrivent la responsabilité des Etats ?

      c) pourquoi donc la Conférence de Rome a-t-elle stipulé dans l’Article 8 b, 26 du statut de la CPI que serait qualifié de « Crime de guerre »,« le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement aux hostilités » » ?

     Autre objection : « En ciblant les enfants comme victimes spécifiques de la plus haute qualification criminelle, vous la banalisez et lui faites perdre son caractère d’exceptionnelle gravité… » Nous pensons au contraire que c’est le refus de la qualification la plus haute qui banalise la criminalité organisée envers les enfants.

     Autre objection : « L’état d’enfance est un état transitoire et on ne peut pas édicter une loi applicable en fonction d’une minorité … » D’abord, l’état adulte est tout aussi transitoire que l’enfance… et tous les adultes ont été des enfants…
Quant au fait que les enfants sont une minorité, rappelons simplement que dans beaucoup de pays, parmi les plus pauvres où sévissent les pires formes de criminalité organisée, les moins de 18 ans constituent 45 % de la population. Trois milliards d’enfants vont naître dans les cinquante années à venir. Les projections statistiques de l’UNICEF estiment à 127 millions le nombre d’enfants qui naissent chaque année dans le monde, dont 40 millions de naissances qui ne sont jamais enregistrées. Imagine-t-on l’état de jungle dans lequel l’enfance vit – et survit – dans ce « monde moderne » et l’ampleur des risques de développement de la criminalité organisée ?

     Dernière objection : « Le mieux est l’ennemi du bien… et l’histoire du droit regorge de textes qui ont eu l’effet contraire de l’effet voulu ou que leur « extrêmisme » a rendu inapplicables, même s’ils « rassurent l’opinion publique » ».
Qu’on nous permette de rappeler, entre autres exemples, que la poursuite des pédophiles dans leur pays d’origine pour des actes commis à l’étranger était considérée, il y a moins de dix ans, par les juristes comme irréalistes, notamment parce que l’extra-territorialité des faits était une notion quasi-insurmontable… Qui oserait encore aujourd’hui contester la pertinence et la légitimité de ces nouvelles dispositions ? Ne sont-elles pas une amorce, parmi d’autres, du principe d’universalité ?

     En conclusion et en résumé, il existe plusieurs instruments de poursuite internationale :
– les traditionnelles conventions de coopération policière et judiciaire entre les Etats (commissions rogatoires, extradition, etc…)
– l’établissement de qualifications pénales internationales qui s’imposent aux Etats, par conventions, comme le statut de Rome, et qui contraignent les Etats qui les ratifient à adapter leurs Codes Pénaux pour donner à leurs tribunaux la possibilité d’engager des procédures à condition que les auteurs de crimes soient sur leur sol.
– la création de juridictions pénales internationales, de portée universelle, dont l’existence institutionnelle est supranationale et exige la coopération des Etats.

       C’est dans cette dernière perspective que nous sommes convaincus que face à la réalité universelle de la criminalité organisée envers les enfants, il n’y aura de progrès judiciaire que lorsque cette criminalité sera qualifiée de « Crime contre l’humanité », universelle dans l’espace et imprescriptible dans le temps, simultanément dans les lois nationales et dans le statut de la Cour Pénale Internationale, laquelle devra ouvrir sa compétence au-delà des crimes commis dans les conflits armés. Il nous semble raisonnable de penser que la poursuite universelle de la criminalité organisée envers les enfants sera plus facilement consensuelle et suscitera moins de controverses politiques que les débats actuels sur l’immunité des forces internationales d’intervention militaires sur sol étranger.

Le 17 juillet 1998, à la clôture de la Conférence de Rome, qui croyait vraiment que seulement quatre ans après, presque jour pour jour, 80 pays auraient ratifié le statut de la Cour Pénale Internationale ?

     Comme le dit avec humour la classe politique française :  » l’essentiel est d’avoir raison : avoir la majorité est simplement une question de date ». 

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(1) Présentation faite par l’Abrincate  au Colloque de l’Université de  Zurich, le 07.10.2002

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Photo prise en Syrie le 27 janvier 2012 

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Iran : l’âge de la « majorité criminelle »

1.10.11

L’Iran vient à nouveau de commettre
un crime d’Etat, illégal
et surtout pitoyable dans son argumentaire.
Qu’on en juge :

                  » L’Iran a procédé le mercredi 21 septembre 2011 à la pendaison d’un mineur de 17 ans, Alireza Molla-Soltani, condamné à mort pour avoir tué un athlète connu comme « l’homme le plus fort d’Iran« .

                  » Une foule nombreuse s’était rassemblée pour assister à la pendaison de l’adolescent, et les forces de sécurité ont été déployées pour « s’assurer que la sentence a été exécutée en douceur« (Agence de Presse officielle Irna).(…)

                  Condamné à mort pour avoir poignardé à mort l’haltérophile Ruhollah Dadashi à la mi-juillet. L’adolescent a expliqué au tribunal qu’il avait agi en légitime défense  après que Dadashi l’ait frappé au visage et jeté contre une voiture après un accrochage de la circulation.

                  Amnesty International a essayé d’en appeler aux autorités iraniennes arguant que la Convention relative aux droits de l’enfant (que l’Iran a ratifiée) interdit la peine capitale pour les mineurs de moins de 18 ans.

                  Le porte-parole du Procureur a répondu en affirmant que Molla-Soltani avait  atteint la  » majorité religieuse « (sic). Le calendrier lunaire islamique ayant 11 jours de moins que le calendrier international, le condamné s’est retrouvé avoir plus de 18 ans lunaires, et a donc été considéré comme « majeur, donc pendable » (sic).(…)
La presse était présente à l’exécution et a tenté de recueillir les dernières paroles du supplicié. »

Source :
http://www.dombosco.fr/article-l-iran-pend-un-mineur-84891831.html

Source photo

               Les juges iraniens, bien avancés dans l’âge de la « majorité criminelle », oublient sciemment (et sont payés pour ça…) ce que tout le monde sait : l’interdiction de la peine de mort est interdite pour les mineurs au moment des faits pour lesquels ils sont jugés. Donc le charabia du « calendrier lunaire », permettant de pendre un mineur juste après sa majorité, serait une aimable plaisanterie si elle n’avait servi à justifier cette forfaiture (« crime commis par un magistrat« ).

              Au-delà de ces faits (récurrents), on sait que ces crimes d’Etat ne sont, en Iran, que le symptôme des rapports de force entre factions politico-religieuses – qui se moquent éperdument de religion – pour se partager les magots du pétrole et du trafic de drogue.

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‘I call again on the Iranian authorities to end these inhumane practices.’Along with China, Saudi Arabia and the United States, Iran has one of the highest numbers of executions each year.The latest hanging brings to 202 the number of executions reported in Iran so far this year, according to an AFP tally based on media and official reports.Iranian media reported 179 hangings last year but international human rights groups say the actual number was much higher, ranking the Islamic republic second only to China in the number of people it executed in 2010.Tehran says the death penalty is essential to maintain law and order, and that it is applied only after exhaustive judicial proceedings.« 

Britain’s Foreign Office Minister Alistair Burt – September 2011

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Au lendemain de l’exécution d’un meurtrier à Guernesey,
Victor Hugo écrit une lettre de protestation
au  Ministre britannique Lord Palmerston,
dans laquelle il mentionne :

«  Nous habitons, vous et moi, l’infiniment petit.
Je ne suis qu’un proscrit et vous n’êtes qu’un ministre.
Je suis de la cendre, vous êtes de la poussière.
D’atome à atome on peut se parler.
On peut, d’un néant à l’autre, se dire des vérités. »

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Et lorsqu’ Edmond KAISER,
fondateur de Terre des hommes,
dit à un journaliste :  » Vous savez, je ne suis rien… »

le journaliste lui répond :

«  Oui, Monsieur Edmond Kaiser, vous n’êtes rien.
Je ne voudrais pas vous contredire.
Mais, vous au moins,
vous êtes toujours là où il faut…. »