L’essence de la marche

 » Beaucoup, l’été venant, mettront bientôt un pied devant l’autre.
Acharnés à faire vite, pour certains. Bêtement.
Pour la plupart, heureusement, ce sera avec lenteur, mesure et endurance, en avançant pas à pas, solitaire en soi-même, au coeur du paysage soudain retrouvé, une fois largués les artifices, les semblants, les urgences où l’on crève.
Cette lenteur de la marche, où l’on oublie l’inutile pour l’essentiel, et l’actualité de l’heure pour la présence du monde, indique une philosophie.
(…)

 » Sur terre, l’homme habite en marcheur.
En parcourant le monde à pied, ne fût-ce que quelques heures ou quelques jours, on le voit différemment. Et l’on se voit soi-même autre.
Car la marche insiste sur les articulations, en particulier celle du corps et de l’âme.
Elle métamorphose le temps, impose fatigue à la pensée, se fait subversion ou vacuité.
En pérégrinant, on se perd et on se retrouve, comme en tout exercice spirituel.
On cesse de s’affairer, on crée parfois… »
(…)

 » On évitera donc de croire que la marche est un sport. pas même un loisir, encore moins un divertissement. Au contraire, si l’on en croit Frédéric Gros (1), ce serait plutôt une ascèse – au vieux sens grec – exercice, entraînement qui nous ramène à l’essentiel, c’est à dire à ce presque rien que nous sommes, présent-absent dans le monde, ne faisant qu’y glisser.
Avec des mots de tous les jours, et sans en avoir l’air, façon Montaigne, ce philosophe donne là une vraie leçon. »
(…)

Roger-Pol Droit, « Le Monde des livres  » – 19 juin 2009

FRANCE postcard swap Traversée de la baie du Mt St Michel par manchot6150

Celles et ceux qui ont la chance de faire la traversée à pied de la Baie du Mont-Saint-Michel, au lever du jour ou au coucher du soleil, comprennent le mot à mot de ces réflexions.

(1) « Marcher, une philosophie« , de Frédéric Gros, Ed Carnets Nord

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