Un « Film du Dimanche soir » … à pleurer.

Séquence Emotion hier soir, dimanche 6 mai, sur les « étranges lucarnes« , pour les résultats de l’élection présidentielle.

La soirée à commencé sur le site Internet de la « Tribune de Genève » qui, vers 17 h 30, annonce le sondage « sortie des urnes », avec une fourchette de résultats entre 55 % – 45 % et 53%-47%, en faveur de N.Sarkozy.

20 heures : Sarkozy estimé vainqueur à 53,1 %

20 h 05 : illico presto, S. Royal, sourire immarescible : « Merci à tous et je continue », ce qui tranchait sur ce que tout le monde avait en mémoire : en 2002, Jospin :  » Je me retire définitivement de la vie politique ».

20 h 30 : N. Sarkozy, à la Salle Gaveau : « Je serai le président de tous les Français ».  » Je rétablirai le travail, le mérite, la morale et l’identité nationale. » (A mettre en rapport avec le « je liquiderai Mai 68 » du discours de Bercy).

Sur toutes les chaînes TV, début des débats, sinistres s’il en fut : les rancoeurs à fleur de peau des recalés du PS, avec les appels à la « modernisation de la gauche« , dont la demande d’alliance claire et nette avec le Centre (Kouchner). Et tous en choeur : « Il faut mobiliser pour les législatives« .

L’Abrincate s’est surpris à zapper sur la chaîne d’à-côté : un bon film « La Bonne Année », avec les extraordinaires dialogues de séduction entre Lino Ventura et Françoise Fabian.

Retour sur les chaînes TV de l’actualité, par devoir moral de bon Français, tout en luttant contre l’envie de vomir.
Et revoir Bernard Tapie dans un débat politique, côté Sarkozy.
Il faut tenir…

Tiens ! André Glucksmann aurait-il eu un sursaut de décence à ne pas se montrer ?

N. Sarkozy paye la tournée au « Fouquet’s » avec les copains : Christian Clavier, Basile Bolli, Arthur, et l’ineffable Johny Halliday qui – diantre ! – se prépare pour une déclaration :  » Non, ce n’est pas un repas, c’est une simple rencontre entre amis – Vive Sarkozy, Vive la France ».
Une heure trente plus tard, arrivée Place de la Concorde.
Etaient présents sur scène : Mireille Mathieu et la Marseillaise, Enrico Macias (« Ah, qu’elles sont jolies les filles de Sarkozy » – sic), une blonde Américaine qui entame un « Oh Happy Day, the day when Sarkozy was born« … et l’incontournable Steevie. Sans oublier Gilbert Montagné, emblème de la modernité culturelle…
La présence de Cécilia Sarkozy est suffisamment rare pour être signalée, en tenue « grillade au fond du jardin« , tout sourire (elle a semblé chanter la Marseillaise en entier – wouaouhhh !).
Mais, pour cette soirée « people« , où sont les deux fils d’un premier mariage ?

S’en suit un discours sur « le travail, le mérite, l’identité nationale, le pouvoir d’achat ».
Avec une petite nuance toute nouvelle dans la bouche du héros de la soirée :
«  Je ferai tout pour réduire le chômage… je ferai tout pour le pouvoir d’achat. »
Ce n’est plus : « Je m’engage à… », c’est devenu « Je ferai tout pour…« .
Tous ses prédécesseurs, depuis 30 ans, ont aussi « tout fait pour« .

Puis – 30 minutes avec le peuple, ça suffit ! – retour … au « Fouquet’s », cette fois, pour un vrai repas, non sans que certains journalistes-motards n’aient mentionné qu’on ne savait pas dans quelle boîte de nuit la soirée se terminerait.
Cette fois, on signale l’arrivée de Patrick Balkany, « avec son cigare« (sic).

Misère, misère.
Si ce fut une campagne d’images, de show et de style plus que de fond, N.Sarkozy mesure-t-il l’impact du message subliminal, en direct devant quelques dizaines de millions de Français, que représente ce refuge à deux reprises au « Fouquet’s », symbole s’il en est d’une « certaine catégorie socio-économique » assez marquée ?

Débats « politiques » sur les plateaux de TV.
Misère des deux côtés, à droite : « il faut mobiliser pour donner une majorité à N.Sarkozy »,
et à gauche : « il faut mobiliser pour équilibrer le pouvoir absolu du nouveau président« .
Point final.

Dans la catégorie « pipolisation« , on passera donc rapidement – dans l’ordre de la morale, du travail, du mérite, de la récompense et de l’identité nationale – au Festival de Cannes, puis à Roland-Garros, puis au Tour de France,
et les vacances seront bienvenues.

On n’a pas fini de mesurer les conséquences de cette élection.

11 Responses to Un « Film du Dimanche soir » … à pleurer.

  1. 42,69% ds inscrits ont voté N. Sarkozy, c’est ce que je vois dans mon graphique des résultats officiels sur http://www.triangulaires.fr

  2. pas perdus dit :

    le néo-fascisme est en marche…

  3. M dit :

    On dirait un mélange d’élections américaines et de jeux du cirque romains.
    Beaucoup de bruit et de fureur, pour oublier que la vie n’est qu’un conte raconté par un idiot.

  4. Juliette dit :

    Bravo pour votre analyse! Roméo à Paris et moi à Nice nous ne nous étions pas encore rencontrés mais nous avons vécu le mois de mai 1968 à l’unisson : une formidable bouffée de vie collective libérée, participative, créative, imaginative, faisant exploser beaucoup de carcans…quelque chose que nous avons retrouvé dans le style et la ferveur de Ségolène.
    Le négatif de L’héritage de 68 existe pourtant et Sarkozy l’a instrumentalisé : le laxisme…hélas, la gauche paye son laxisme généralisé. Pour éduquer des enfants, pour faire appliquer des lois justes dans la direction d’un pays il faut de l’autorité et de la fermeté…Ségolène me semble-t-il aurait compris cela…Sarkozy, lui, comment va-t-il s’y prendre pour tenir ses promesses car avec son caractériel besoin d’être tout puissant et efficace il va vouloir passer ses projets en force! qu’est-ce que cela va donner???
    amitiés,
    Juliette

  5. D. Doppler dit :

    Effectivement, la soirée d’hier à la télé avec le mélange des genres entre les politiques et les « people » qui se bousculaient autour de Nicals Sarkozy sur la scène de la Concorde m’a laissé une impression bizarre.

    ———————————————————-

    En revanche, quelle lucidité dans cet article paru dans l’édition du Monde du 23.02.07

    Régis Debray ne contemple qu’une morne campagne

    Cette présidentielle déçoit l’écrivain.

    Où sont passés le sens, la politique ?

    Consumérisme électoral.

    Indifférence des paumés.
    Goguenardise des rupins.
    Dépeçage du marché en lobbies, communautés et minorités.
    Ciblage de souffrances à consoler, avec panels échantillonnés.
    Le vote comme transaction entre un vendeur et un consommateur.
    Marketing et clientélisme sonnent l’arrivée d’une transatlantique élective
    dont le lancement en France remonte aux années Valéry Giscard d’Estaing.
    Un ultime cran d’arrêt à faire sauter : le spot payant, et nous serons à bon
    port.
    Aux normes.
    En Amérique.

    Destins.

    Ce n’est pas un sort enviable que de monter à 23 ans dans une voiture avec
    chauffeur pour n’en plus sortir.
    L’ENA, le stage en préfecture.
    Puis droit sur l’Elysée.
    Parachutage dans une bonne circonscription.
    Là, on laboure un minimum.
    Le blanc au zinc, le marché le dimanche.
    Puis l’Assemblée, un petit ministère, et sitôt après le fauteuil en région
    ou en département.
    Ces états de service bien enchaînés font assurément une carrière (gauche ou
    droite), rarement un caractère. »

    Moi.

    Dans le nouveau monde, en vidéosphère, le nous reste requis, mais en
    garniture, pour applaudir le moi sélectionné, moi Ségolène, moi Nicolas.
    Mon pacte, mon staff, mes handicapés.
    La loi du people, c’est l’anti-peuple.
    Un plus un plus un, cela ne fait pas trois citoyens ensemble, mais trois
    plans de coupe avec groupies en fond visuel. »

    Glissement.

    Troublant, en définitive, est le glissement à droite du personnel politique
    en son entier.
    Le socialisme d’étiquette ?
    Bientôt, un parti démocrate à l’américaine.
    La queue de comète gaulliste ?
    Déjà un parti libéral comme il faut.

  6. […] faire une boulette, sans grand succès). Juste un bon compte-rendu de la soirée TV d’hier ici et une page très utile par les nouveaux venus de rue89.com (ça fait du bien un peu d’air […]

  7. Posuto dit :

    Et que pensez-vous des « je veux dire » (4 par phrase, un bon rythme). Je veux dire, je veux dire…et qui l’en empêchait ? Dis-le, ce que tu veux dire, Nicolas.
    Je sais que ça n’est pas gratuit : le « je veux dire » résonne dans nos consciences comme la parole de celui qui se relève, de celui qui fait face, censuré injustement, celui qui trouve enfin les mots, celui (dites, au bout de combien de « celui » j’ai droit à un bonus et des applaudissements ?)
    Misère, misère…c’est toujours sur les pauvres gens, que tu t’acharnes obstinément…
    Kiki

  8. serrière dit :

    A la seconde près, c’était le même vécu. Evidemment!
    D’abord à 17h 30, la Tribune de Genève….etc… exactement.
    Et depuis, on pense se réveiller. Tout ça n’était qu’un cauchemar, n’est-ce pas?

  9. bernard dit :

    Dans le cadre les « pipoles » sont prioritaires sur TF1: C. Chazal coupe la parole à L. Fabius qui tentait de nous expliquer pourquoi le PS a perdu et que les problèmes du chômage, du logement , du pouvoir d’achat sont toujours d’actualité. Elle donne l’antenne à J. Hallyday qui nous déclare qu’il est : HEU –REUX ! Déterminant comme commentaire, effectivement cela méritait le passage en « direct live « !
    C. Chazal reprend l’antenne et déclare à L. Fabius , c’est la loi du genre le soir d’une élection !
    C’est un aperçu de la bande annonce du futur film du président ?

  10. ROUX Sylvette dit :

    Sarkozy Président ! Houppi ! ENFIN UN CHANGEMENT DE POLITIQUE qui arrive !

    Bravo à Mireille Mathieu pour avoir chanté « La Marseillaise » et à Enrico Macias pour « les filles de Sarkozy ! »

    Sylvette ROUX

  11. encore moi dit :

    3 semaines déjà, et je n’en suis toujours pas remise. De (re)lire tout ça, c’est comme de remettre encore un peu d’acide sur ma plaie. Mais c’est aussi réconfortant de savoir a-posteriori que je n’étais pas toute seule à souffrir (com-pâtir).

    Personnellement, je fus effarée surtout de voir un public plutôt jeune entonner avec ferveur la marseillaise aux pieds de NS sur la place de la concorde : travail, famille, patrie, tout était dit en mots et en symboles. Je m’en voulais de tout noircir mais je ne pouvais m’empêcher de penser à une autre jeunesse en d’autres temps et aucun détail de la soirée. L’excitation et la joie vulgaires qui s’étalaient sur le podium ne faisait qu’ajouter à mon malaise.

    Les jours suivants, tous ces ralliements de personnes du camp adverse -il n’est pas possible qu’elles soient toutes de mauvaise foi – me rappelaient pourtant ce que disait Hannah Arendt dans un documentaire récent vu ‘alatélé’ : en 1933, ce n’est pas l’avènement d’Hitler qui nous a fait le plus mal à moi et à mes amis juifs, disait elle ; nous savions à quoi nous en tenir depuis longtemps. C’est le discours de tous nos amis intellectuels qui ont échaffaudé aussitôt des justifications argumentées pour lui donner raison et coopérer avec lui, nous tournant le dos du jour au lendemain.

    Oui je m’en veux de tous ces rapprochements, de cette dramatisation aussi hâtive que (peut-être) excessive ; je m’efforce de prêter à NS élu démocratiquement tout le crédit auquel, de ce fait, il a droit (… et la France avait sans doute besoin d’un bon coup de pied dans la fourmilière – et la gauche n’est pas indemne de reproches non plus – et nous, simples citoyens hors partis, avons aussi notre part de responsabilité, etc, etc). Malgré cela, chaque jour, mes doutes surgissent. Certes, ce ne peut être la même histoire (autre temps, autre scénario) mais j’ai de sombres pressentiments – depuis bien avant les élections d’ailleurs, comme si NS n’était que l’instrument d’une tendance générale.

    Ce charmant monsieur à noeud pap – père du réenchantement du monde – qui s’amusait follement de voir dans tout ça la politique postmoderne à l’oeuvre dans l’émission de Frédéric Thadeï sur France 3 me donnait aussi envie de vomir.

    Merci à vous que je ne connais pas pour le réconfort trouvé à lire toutes vos rubriques (‘rire’ inclus, car il s’agit là d’un bien autre rire). Et puis je vais relire « la montée de l’impuisance » de Castoriadis, peut être cela m’aidera (?) à décrypter peu ou prou la complexité inédite qui plombe l’horizon du moment.

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